La prise en charge des troubles sexuels se concentre sur des facteurs biologiques liés à l’érection, mais peu à ceux qui régulent la libido. D’après les résultats préliminaires d’une étude menée à l’Imperial College London (Royaume-Uni), une autre approche serait possible. Dans un article publié dans la revue Journal of clinical investigation, les chercheurs expliquent que la kisspeptine, un neuropeptide (molécule produite par les neurones), stimule l’activité dans des régions du cerveau liées à l’excitation et au désir sexuels.
L’équipe de scientifiques a conçu un essai en double aveugle, contrôlé par placebo, impliquant une trentaine d’hommes jeunes, en bonne santé et hétérosexuels. Après une injection de kisspeptine (ou de placebo pour le groupe test), leur activité cérébrale a été surveillée par IRM fonctionnelle alors qu’ils observaient des photos. Certaines représentaient des couples (dans des poses romantiques ou érotiques), d’autres des situations sexuellement neutres, ou encore des images négatives.
Une excitation ciblée
Les chercheurs ont remarqué une activité plus importante des zones liées à l’excitation sexuelle chez les sujets ayant reçu de la kisspeptine, au moment où ils visualisaient les photos de couples et les images érotiques. Pour les images neutres, les réactions étaient identiques à celles du groupe placebo. La molécule stimulerait donc le désir sexuel, mais uniquement dans des situations qui s’y prêtent.
« Les premiers résultats sont prometteurs. Ils indiquent que la kisspeptine joue un rôle dans la stimulation de certaines émotions et réponses qui précèdent les relations sexuelles, et la reproduction, se réjouit le Pr Waljit Dhillo, endocrinologue au département de médecine de L’Imperial College London, et auteur principal de l’étude. Notre but est de déterminer si la kisspeptine peut devenir un traitement des troubles psychosexuels, et ainsi aider de nombreux couples qui peinent à concevoir. »
Dans un second temps, l'équipe du Pr Dhillo compte observer la réaction des femmes au neuropeptide dans un procédé expérimental similaire.
Une seconde puberté ?
Cette nouvelle fonction vient s’ajouter à ce que la médecine connaissait déjà de cette molécule, dont le nom n’a rien à voir avec la traduction de « bisou » en anglais (il vient de la dénomination du gène qui code sa production, KISS-1) et dont l'utilité est évaluée pour l'augmentation des chances de réussite de fécondation in vitro. Elle est impliquée dans la production de LH ou de testostérone, deux hormones sexuelles chez la femme et chez l’homme, mais surtout de gonadolibérine (GnRH), une hormone liée au déclenchement de la puberté.
L’aide à la conception annoncée par le Pr Dhillo, pourquoi pas. Mais au constat de succès commercial du Viagra et des autres stimulateurs érectiles, cette utilisation thérapeutique paraît marginale. Il s’agirait plutôt de rendre une vie sexuelle à un nombre important de couples en panne d’inspiration. Mais pas uniquement.
Une réaction a également surpris les chercheurs anglais. La kisspeptine semble aussi agir sur les mécanismes de régulation des émotions négatives. Face à des images qui les provoquaient, les sujets ayant reçu le neuropeptide ont montré une activité cérébrale plus importante dans les zones qui y sont liées. L’équipe souhaite donc maintenant aussi explorer ses effets antidépresseurs.