Le suivi d'une cohorte d'enfants montre que le temps passé à jouer en plein air ou à regarder la télévision pendant la petite enfance est prédictif dès 2 ans du risque d’obésité ultérieur. C'est la conclusion de travaux d'une équipe de chercheurs parisiens (1), les premiers du genre (2).
« Différentes études ont été réalisées chez des enfants d’âge scolaire. Elles avaient déjà démontré que la sédentarité (mesurée à partir du temps passé devant les écrans), une moindre activité physique et la consommation d’aliments de forte densité énergétique étaient liés au surpoids. Mais on manquait de données prospectives chez les enfants de moins de 3 ans », explique la co-auteure Sandrine Lioret, dans un communiqué.
Des travaux menés à Poitiers et Nancy
Ainsi, l'équipe Inserm qu'elle co-dirige (3) a conduit ce travail auprès de 883 enfants de la cohorte EDEN, la première étude de cohorte généraliste française menée sur les déterminants pré et postnataux précoces du développement et de la santé de l’enfant. Démarrée en 2003, cette étude a suivi des couples mère-enfant à Poitiers et Nancy, dès le début de la grossesse jusqu'aux 10 ans de l'enfant.
« Les parents ont répondu à plusieurs questionnaires au cours du suivi, leur demandant notamment, à 2 ans, de préciser la durée habituelle passée par l’enfant à jouer en plein air et devant les écrans aux différents jours de la semaine », détaille Sandrine Lioret. Ils ont aussi été questionnés sur la fréquence de consommation d'une trentaine de groupes d'aliments couvrant l’ensemble de l’alimentation.
Ces informations ont ensuite été synthétisées sous forme de deux profils alimentaires, l’un caractérisé par une consommation fréquente d’aliments transformés de type snacking / fast-food, l’autre par des aliments en adéquation avec les recommandations nutritionnelles. L’ensemble de ces données ont ensuite été analysées et rapportées aux données anthropométriques à 5 ans : le pourcentage de masse grasse (mesurée par impédancemétrie) et l'IMC.
Limiter l'exposition aux écrans
L'analyse a été conduite de façon séparée pour les deux sexes, « car dès l’âge de 2 ans, l’activité physique et le pourcentage de masse grasse diffèrent entre les filles et les garçons », précise Sandrine Lioret. Chez les garçons, « le temps passé devant les écrans est du temps qu'ils ne passent pas à des activités plus dépensières en énergie. Il est également possible que l’exposition à la publicité alimentaire favorise le snacking. Leur temps d’écran à 2 ans était d’ailleurs associé à un recours plus fréquent aux aliments transformés de type snacking / fast-food. D'où un excédent probable du bilan énergétique de ces enfants », estime-t-elle.
Quant aux filles, il est, selon elle, possible que le temps de jeux en plein air soit un meilleur indicateur de l'activité physique totale chez elles : « cela pourrait expliquer en partie pourquoi la relation inverse entre jeux en plein air et adiposité ultérieure n’ait été observée que chez elles dans cette étude ». En résumé, plus les garçons passent de temps devant des écrans à 2 ans, plus ils ont un pourcentage de masse grasse corporelle élevé à 5 ans. Chez les filles, ce sont celles qui passent le moins de temps à jouer en plein air à 2 ans qui présentent un risque accru de développement de la masse grasse.
Même si ces résultats méritent d’être confirmés par d’autres travaux, il apparaît pertinent de ne pas s’intéresser uniquement à l’alimentation concernant la prévention précoce du surpoids chez l’enfant.
« On a tendance à croire que les jeunes enfants sont spontanément et suffisamment actifs, mais la littérature révèle qu'ils consacrent l’essentiel de leur temps à des activités sédentaires, et qu’il existe une grande variabilité interindividuelle pour l’activité physique, analyse Sandrine Lioret. Ces résultats suggèrent l’importance de promouvoir et d’encourager les jeux en plein air dès le plus jeune âge, et de limiter l’exposition aux écrans. C'est donc également sur ces pratiques qu'il faut appuyer les messages de prévention », conclut-elle.
(1) Unité 1153 Inserm/Université Denis Diderot/Université Paris Nord/Inra, Centre de recherche épidémiologie et statistique Sorbonne Paris Cité, équipe ORCHAD(early ORigin of the Child’s Health And Development), Paris.
(2) C Saldanha-Gomes et coll. Prospective associations between energy balance-related behaviors at 2 years of age and subsequent adiposity: the EDEN mother–child cohort. International Journal of Obesity (2016), 1–8.
(3) Sandrine Lioret a co-encadré ce travail avec Patricia Dargent-Molina.