« Je donnerai mes soins à l'indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire ». Ce passage du serment d’Hippocrate, que chaque médecin est sommé de respecter, a dû se perdre dans les cabinets de certains praticiens.
Médecins du monde, la Fédération des acteurs de la solidarité (Fnars) et le Collectif interassociatif sur la santé (CISS) ont en effet relevé sur les sites internet de prise de rendez-vous médical doctolib.fr et monrdv.com les mentions « pas de CMU » (Couverture maladie universelle) ou « pas d’AME » (Aide médicale d’état). Un comportement discriminant envers les personnes pauvres, estiment ces associations, qui ont saisi le Défenseur des droits, l’autorité indépendante chargée de défendre les droits des citoyens face à l’administration, et d’apporter une aide dans la lutte contre les discriminations.
Des millions de patients concernés
Ces régimes sont destinés aux patients les plus précaires, et concernent respectivement 1,3 million et 63 000 personnes. À ceux-ci s’ajoutent les bénéficiaires de la CMU complémentaire, dont le nombre s’élève à 5,5 millions de patients.
Dans un communiqué publié ce vendredi, le Défenseur des droits rappelle la caractère illégal d’un refus de soins. « Aucune personne ne peut faire l'objet de discriminations dans l'accès à la prévention ou aux soins, précise le communiqué. Le fait d'annoncer publiquement le refus de ces patients, même en les réorientant vers les hôpitaux publics, est contraire aux articles 225-1 et 225-2 du code pénal interdisant les discriminations. »
Une pratique courante
Il rappelle également que, si ces pratiques sont rarement relevées, elles semblent récurrentes. L’autorité a donc ouvert une enquête, demandant aux médecins de s’en expliquer. Le Conseil national de l'Ordre des médecins s’est aussi invité à la discussion. André Deseur, le vice-président, rappelle dans les colonnes du Monde que « ces pratiques ne sont pas tolérables. Si elles sont avérées, des poursuites disciplinaires seront engagées ».
« Ces refus de soins envers les précaires sont massifs et répétitifs. Mais avec cet affichage sur les sites, un pas de plus est franchi, la démarche de rejet est décomplexée », s’est indigné dans le quotidien Florent Gueguen, délégué général de la Fnars.