Cette publication n'a pas la valeur d'une étude scientifique mais elle ne manquera pas de raviver les inquiétudes de certains lecteurs. La revue médicale indépendante Prescrire a dévoilé la cinquième version de sa liste des médicaments « plus dangereux qu'utiles » à écarter en raison des risques sanitaires « disproportionnés » qu'ils font courir aux patients.
Cette liste a été établie sur la base d'analyses publiées dans la revue elle-même, au cours des années 2010 à 2016, explique Prescrire. Elle recense 91 médicaments, dont 82 vendus en France, à ne pas utiliser, à défaut de les voir retirer du marché français. Pour la revue, ils n'ont tout simplement pas leur place en pharmacie, en raison d’un rapport bénéfice-risque défavorable « dans toutes les situations cliniques pour lesquelles ils sont autorisés en France ou dans l'Union européenne », est-il précisé.
Des médicaments contre le rhume...
Sur cette liste noire, mise à jour pour la 5e année consécutive, figurent bon nombre de produits courants. Par exemple, il est rappelé que des médicaments vendus en automédication contre le rhume, des décongestionnants, comme la pseudoéphédrine, exposent à un risque de troubles cardiovasculaires graves (poussées d'hypertension, AVC, troubles du rythme cardiaque), notamment s’il sont pris par des personnes déjà fragiles.
La dompéridone, la molécule du Motilium, parfois prescrit dans la gastroentérite, est également pointée du doigt, en raison de troubles du rythme cardiaque et de morts subites, alors même que le bénéfice dans le traitement de la maladie est très limité, selon la revue. A ce sujet, la Haute Autorité de Santé (HAS) a d'ailleurs émis début 2016 un avis fort contre l’utilisation du Motilium, du Peridys ou de l’Oroperidys, notamment chez l’enfant.
La déremboursement, un pis-aller
Enfin, des produits utilisés pour soulager des maux de gorge ou des toux, comme le Muxol ou le Bisolvon, sans efficacité prouvée au-delà de celle d'un placebo, peuvent entraîner des réactions allergiques et des réactions cutanées graves, parfois fatales. Sur la centaine de médicaments recensés par l'inventaire de la période 2013-2016, seulement une dizaine ont fait l'objet d'une suspension ou d'un retrait d'AMM (autorisation de mise sur le marché).
« Des décisions prises beaucoup plus souvent par l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) que par l'Agence européenne des médicament (EMA), reconnaît tout de même Prescrire. Mais la revue écrit aussi que le déremboursement est « un pis-aller », « une parade », utilisée par l'agence française quand elle se heurte à l'impossibilité de retirer un médicament autorisé au niveau européen.
Le directeur de Prescrire, Bruno Toussaint, a ainsi dénoncé, lors d'une conférence de presse, l’inertie des pouvoirs publics. Il a notamment regretté qu’il faille systématiquement des morts pour que les médicaments dangereux soient retirés de la circulation...
Des avancées en cancérologie
« L’année 2016 a été marquée par de petites avancées en cancérologie, mais aucun médicament innovant majeur n’a vu le jour », estime Prescrire dans son numéro de février. Comme l'an dernier, la revue a donc renoncé à décerner sa traditionnelle « Pilule d’or » distinguant un médicament constituant un « progrès thérapeutique décisif ».
Elle s’est contentée d'indiquer dans son palmarès deux molécules indiquées contre le cancer. Toutes les deux concernent le traitement du mélanome métastasé, il s'agit du nivolumab (Opdivo de Bristol-Myers Squibb) et du tramétinib (Mekinist de Novartis Pharma). Mais ces avancées en cancérologie « restent ponctuelles et sans commune mesure avec les annonces ou les prix exorbitants réclamés par les firmes », conclut Prescrire.