Il ne fait plus aucun doute que la rupture est consommée entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Theresa May, le Premier ministre britannique, a lancé les grandes manœuvres pour acter le « brexit » voté en juin dernier. Si la sortie de l’UE s’annonce compliquée pour le pays de sa Majesté, un petit millier d’employés londoniens gèrent tant bien que mal une incertitude pesante, depuis des mois. Que vont-ils devenir ? Les 890 salariés de l’Agence européenne du médicament (EMA) ne le savent toujours pas, et tout le fonctionnement de cette autorité sanitaire européenne pourrait s’en trouver grippé, a confié son directeur, le Pr Guido Rasi, à l’Agence France-Presse.
L’annonce était tombée très rapidement après l’annonce des résultats du référendum. Une agence européenne ne peut pas être située dans un pays hors de l’UE, l’EMA allait donc devoir quitter ses locaux londoniens, situés dans le quartier d’affaires de Canary Wharf. « Le premier changement après le référendum a été l’humeur des gens », raconte Guido Rasi, professeur de microbiologie venu d’Italie et en poste depuis 2011.
Le directeur a déjà vu partir huit employés occupant des « postes parmi les plus importants » depuis juin 2016. Une tendance au départ qui inquiète le chercheur, qui estime qu’au-delà de 20 % de perte parmi les experts de l’EMA, la situation deviendrait « critique », estime-t-il. L’Agence a pour mission d’évaluer les dossiers déposés par les laboratoires pharmaceutiques, afin de délivrer les autorisations de mise sur le marché des nouveaux produits. Elle veille également sur la disponibilité des médicaments dans l’UE et sur leur sécurité.
Depuis sa création, en 1995, c’est ainsi plus de 1 000 médicaments que l’EMA a autorisés. Un processus qui ne doit pas prendre plus de 210 jours, explique Guido Rasi. La délocalisation, et les départs prévisibles d’une partie des 3 000 experts rattachés à l’EMA, sont donc une menace pour le bon fonctionnement de l’Agence. Et par conséquent, pour le monde de la santé dans l’UE. Les industriels du médicament n’ont d’ailleurs pas manqué de faire connaître leurs inquiétudes. Des retards dans les délivrances d'AMM pourraient se traduire par des pertes financières non négligeables.
Guido Rasi demande maintenant une décision rapide. « Notre option préférée est de commencer à savoir maintenant ou le plus tôt possible, et d’avoir suffisamment de temps pour déménager sans ce que cela perturbe l’agence ». De nombreuses villes européennes se sont déjà portées candidates pour accueillir l’EMA. En France, Lille, Strasbourg et Lyon seraient sur les rangs. Les locaux et les salaires étant payés par l’UE, l’implantation de l’EMA représentera un plus indéniable pour la ville qui sera élue. Le malheur des uns fera, bien souvent, le bonheur des autres.