« Les premiers sentiments que j'ai ressentis étaient pour une fille que je connaissais. » En juillet dernier, la chanteuse Cœur de Pirate a jeté un pavé dans la mare en annonçant sa bisexualité. Un pavé dont les remous n’ont guère duré. Le mérite revient sans doute à une société plus tolérante à l’égard des minorités sexuelles. Le tabou serait-il levé ? Une enquête Ifop pour Référence Sexe (1) semble le confirmer. Elle montre aussi que les rapports entre femmes font toujours fantasmer… les hommes tout comme les représentantes du beau sexe.
Des fantasmes plus admis
Le saphisme fait rêver les internautes. Pour preuve : le rapport 2016 du géant du porno, Pornhub. « Lesbiennes » figure en tête des catégories recherchées par les utilisateurs du site X. Hommes comme femmes. Ces rapports homosexuels affolent aussi l’imagination des sondés – particulièrement ceux de sexe masculin. A tel point que bon nombre se disent alléchés par l’idée. Ainsi, 11 % des femmes aimeraient faire l’amour avec une autre femme. Elles sont presque autant à se dire tentées par un cunnilingus ou une pénétration digitale.
Dans le détail, une femme sur dix confesse des sentiments pour une personne du même sexe. Aussi nombreuses sont celles qui reconnaissent « se caresser » en pensant à une femme. Rien d’étonnant, aux yeux de François Kraus, directeur des études Politique/Actualité à l’Ifop. « Il y a une plus grande acceptation sociale de l’homosexualité féminine, mais dans sa forme factuelle et non identitaire », analyse-t-il.
De fait, les femmes peuvent avouer une attirance ou un rapport saphique sans pour autant se revendiquer homosexuelles ou bisexuelles. Seules 4,4 % des sondées l’affirment. « On fait la différence entre l’attirance pour une personne de même sexe, le fait d’être passé à l’acte et le fait de s’identifier réellement comme homo ou bisexuel », confirme François Kraus.
Des pratiques encore timides
Ces réponses ne se résument pas seulement à de beaux discours. Interrogées sur leurs actes, les sondées sont plus nombreuses à avouer une attirance sexuelle pour une autre femme. 18 % d’entre elles l’affirment en 2016, soit trois fois plus qu’en 2006. C’est particulièrement le cas chez les jeunes femmes.
La progression est tout aussi impressionnante lorsque les participantes sont interrogées sur leurs pratiques sexuelles. Le sexe lesbien « « a progressé de manière significative vu qu’entre 2012 et 2017 on est passé de 6 à 10 % », illustre François Kraus. Il évoque « un mouvement de fond qui reste minoritaire ».
Sur un plan plus sage, 2 femmes sur dix affirment avoir déjà embrassé une amie. Elles sont deux fois moins nombreuses à avoir caressé les seins d’une autre femme, ou à s’être laissées aller à des caresses plus intimes.
Une banalisation à sens unique
Et le porno dans tout cela ? Il joue un rôle, concède François Kraus, mais il n’est pas le seul à entrer en ligne de compte. « Les films X contribuent à cette érotisation des rapports entre femmes mais ils sont présents aussi dans le cinéma traditionnel », rappelle-t-il. Dernier exemple en date, La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche. « On se souvient du clip de Katy Perry (I Kissed a Girl, ndlr), de la cérémonie des MTV Awards avec Britney Spears », énumère le directeur d’études.
Une banalisation qui ne va que dans un sens : les rapports entre femmes sont synonymes d’excitation, ceux entre hommes séduisent moins. « C’est accepté pour les femmes mais pas pour les hommes », reconnaît François Kraus.
Un tabou semble résister, celui de la religion. Les relations homosexuelles sont bien plus fréquentes chez les femmes qui ne déclarent aucune appartenance religieuse. La cartographie livrée par l’Ifop est elle aussi parlante : l’Europe du Sud se montre bien plus timide quand aux rapports entre femmes. « Elle n’est pas déterminante mais elle structure les mentalités de manière plus large. Le rôle de la femme, de l’épouse, de la famille, est peut-être plus fort dans les pays méditerranéens », analyse François Kraus.
Source : Ifop
(1) Enquête Ifop pour Référence Sexe menée auprès de 2 003 personnes âgées de 18 ans et plus, interrogées par Internet entre le 14 et le 17 décembre 2016.