Pour une première mondiale, le résultat est plutôt convaincant. Fin 2015, deux fillettes de 11 et 16 mois avaient reçu un traitement innovant pour combattre une leucémie particulièrement agressive. Avec une efficacité au rendez-vous : en à peine deux semaines, les cellules cancéreuses avaient été éliminées de leur organisme, et les médecins les avaient déclarées en rémission au bout d'un mois.
Ce 25 janvier, avec des chercheurs anglais, ils publient les résultats de cette preuve de concept dans Science Translational Medicine.
Le double miracle s’est déroulé au Great Ormond Street Hospital (GOSH) de Londres (Royaume-Uni). Les deux bébés souffraient de leucémies lymphoblastiques aiguës (LLA).
Dans cette maladie, les lymphoblastes, cellules de la moelle osseuse, sont anormales : elles ne parviennent pas à créer les cellules de base des défenses immunitaires, les lymphocytes (globules blancs).
Les médecins, à court d’idées face à l’inefficacité des traitements standards, avaient fait appel à Cellectis, une entreprise franco-américaine spécialisée dans l’édition génétique et les thérapies cellulaires. Les autorités britanniques avaient accordé une licence pour l’utilisation d’une thérapie innovante, qui n’avait pas encore subi d’essai clinique.
Une immunothérapie innovante
Layla Richards avait été diagnostiquée de sa leucémie à l’âge de 14 semaines. Malgré les chimiothérapies et une greffe de moelle osseuse, rien ne semblait en venir à bout. Jusqu’à l’utilisation de l’immunothérapie de Cellectis, baptisée UCART19.
Le traitement utilise la technique CAR (Chimeric Antigene Receptor), qui consiste à « booster » in vitro des cellules du système immunitaire, avant de les réinjecter dans l’organisme des patients. Des lymphocytes T sont prélevés dans un échantillon sanguin du patient, puis renforcés avec un gène produisant la protéine CAR, capable de détecter spécifiquement les cellules cancéreuses. Ces lymphocytes T, ainsi munis d’un système de guidage, sont réinjectés dans le patient et éliminent les cellules.
Production en série
La technique avait déjà montré des résultats satisfaisants, mais se heurte à un obstacle : il est parfois difficile de trouver des lymphocytes T à prélever chez les malades, surtout après des chimiothérapies. Elles sont également chères, car personnalisées pour les patients.
C’est là que Cellectis apporte une réelle innovation, car UCART19 le contourne : le prélèvement sanguin initial n’est pas effectué chez le patient, mais chez une personne saine. La thérapie peut donc être produite « en série » : la société annonce être capable de produire une centaine de doses avec un seul prélèvement sanguin sur une personne saine.
25 % des cancers pédiatriques
Ces résultats sont encourageants, car les LLA représentent 25 % des cancers pédiatriques. Si, pour les enfants de 1 à 10 ans, les options thérapeutiques sont multiples, les pronostic sont très faibles en deçà de 1 an.
« Le succès du traitement administré grâce aux cellules UCART19 représente un important jalon dans l’utilisation d’une nouvelle technologie d’ingénierie du génome, a déclaré le Pr Waseem Qasim, professeur de thérapie cellulaire et génétique et médecin immunologiste au GOSH. Si ces résultats sont reproduits avec d’autres patients, ce traitement pourrait représenter un énorme pas en avant dans le traitement de la leucémie et d’autres cancers ». Depuis, 5 autres patients ont reçu le traitement.
Une seule injection a été nécessaire pour guérir les deux petites filles. Quelques mois plus tard, elles ont reçu une greffe de moelle osseuse, afin de rétablir la production de globules blancs normaux. Plus d’un an plus tard, elles sont en pleine forme.