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Journée sans téléphone

Smartphone : une addiction toujours pas reconnue

Par Marion Guérin

ENTRETIEN – Si le mésusage du smartphone correspond à une réalité, l’addiction à ce produit non psychoactif n’est pas officiellement reconnue.

ViewApart/epictura

Décrocher de son smartphone pendant quelques heures, voire quelques jours, c’est parfaitement impossible pour nombre d’entre nous. On voudrait bien jeter la pierre aux plus jeunes, aux ados accros aux réseaux, à cette génération qui s’abîme le cou à force de le courber sur son écran et ne s’exprime plus qu'en « mdr » et en « ouè ».

Mais que dire de leurs parents, qui n’envisagent plus un déplacement en voiture sans lancer le GPS-traqueur de radars du téléphone, ne réservent un restaurant que par une application dédiée et ne passent pas un jour sans consulter, machinalement, leurs e-mails ? Sont-ils « accros », eux aussi ?

A l’occasion de la Journée Mondiale sans smartphone (6,7 et 8 février), Jean-Pierre Couteron, président de la Fédération Addiction, revient sur cette dépendance sans produit psychoactif qui s’est installée dans toutes les couches de la société, et qui peut s’avérer difficile à déceler.


Y a-t-il des seuils ou des signes qui permettent de poser le diagnostic d’une addiction au smartphone ?

Jean-Pierre Couteron : Officiellement, l’addiction au smartphone n’est pas totalement reconnue, on n’a pas de seuils standardisés. Mais en gros, comme pour toute addiction, ce qui va donner l’alerte, c’est l’impossibilité de faire sans.

Alors, on sera en face d’une personne qui aura des réactions de colère, d’angoisse ou de frustration disproportionnées avec le fait qu’elle ne peut pas accéder à son téléphone, ou que son téléphone ne marche pas au moment où elle en a besoin.


Retrouvez l'intégralité de l'entretien avec Jean-Pierre Couteron : 


Quels sont les risques de cette addiction qui ne concerne pas un produit psychoactif ni, a priori, toxique ?

Jean-Pierre Couteron : Effectivement, il n’y a pas de risque direct au sens de ce que l’on peut avoir pour le tabac, (risque de cancer) et pour l’alcool (risque sur le système digestif et sur l’œsophage). Pour le smartphone, les risques sont dits secondaires. Ils sont liés à la gestion du sommeil, de l’alimentation, à des réactions comportementales (stress, colère, tension nerveuse…). Il n’y a donc pas de risque majeur lié au produit lui-même, même si le smartphone est pris dans la discussion des effets éventuellement toxiques des ondes.

Ainsi, on distingue ces deux problématiques : celle des ondes et d’un abus de leur usage, dont la nocivité est encore en discussion, et celle, plus classique pour une addiction, des conséquences secondaires d’une surutilisation.

Les parents sont souvent désemparés face à cela, mais eux-mêmes utilisent beaucoup les smartphones… Ne sont-ils pas responsables de la conduite addictive de leurs enfants ?

Jean-Pierre Couteron : En effet. Une petite étude menée sur 19 familles a récemment montré que parmi tous ces appareils de nouvelles technologie, celui qui est le moins considéré comme problématique par les familles, c’est quand même le smartphone.

Cela s’explique par le fait qu’on retrouve dans le smartphone la notion de couteau suisse : il sert à regarder les photos, à rester en contact avec sa famille, à s’échanger des nouvelles, tout simplement. On sait qu’il peut y avoir du surusage et du mésusage, mais on sait aussi qu’il y a tout un tas d’usages tout à fait légitimes. Les parents sont eux-mêmes pris dans cette ambivalence car eux aussi se servent de ce couteau suisse qu’est devenu le smartphone.