Les rhumatologues sont en colère. Trois corticoïdes injectables sont simultanément en rupture de stock et en tensions d'approvisionnement. Destinés à traiter les douleurs articulaires inflammatoires, ils ne disposent que d'alternatives imparfaites. Le Syndicat national des médecins rhumatologues (SNMR) tire donc la sonnette d’alarme et prédit une « crise sanitaire ». Et pour cause : selon l’Inserm, un Français sur deux souffre de douleurs articulaires.
Les infiltrations de corticoïdes sont une solution précieuse pour les patients chez qui les autres médicaments ont échoué. Tendinites, arthroses, lombalgies... Le domaine d'application est assez large. Leur bénéfice est considéré comme insuffisant par la Haute Autorité de Santé (HAS). Mais dans les faits, certains malades en tirent de réels bienfaits en termes de réduction de la douleur.
Plus d'effets secondaires
Mais voilà, plusieurs de ces médicaments voient leurs stock s'amenuiser : l’Hydrocortancyl (prednisolone), le Diprostène (bétaméthasone) et l’Altim (Cortivazol). Ce dernier n’est même plus commercialisé par Sanofi. Contacté par Pourquoidocteur, le laboratoire explique que la production du « fabricant tiers » a été interrompue en raison d’une contamination de la chaîne. Impossible, dans ces conditions, d’approvisionner les pharmacies. Cette situation devrait durer puisqu’aucun calendrier de reprise n’a été défini. Or, comme le soulignait l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en 2009, il s'agit du produit d'infiltration le plus utilisé.
Des solutions alternatives existent mais les médecins se reportent prioritairement vers deux spécialités… qui connaissent elles aussi des tensions d’approvisionnement. « Par contrecoup, quand on fait une infiltration et qu'on n'a que le tiers ou la moitié des produits, on se retrouve en pénurie », explique le Dr Eric Senbel, président du SNMR. Les répercussions sont loin d’être anodines pour les patients qui dépendent de ces produits.
Les autres options sont plus coûteuses et elles comportent aussi plus d’effets secondaires. « Si on ne peut pas infiltrer un patient souffrant de tendinite, on lui propose des anti-inflammatoires, avec des risques digestifs, de la kiné, qui coûte beaucoup plus cher, des ondes de choc qui ne sont pas disponibles partout... », illustre le Dr Senbel. Les patients doivent donc s'armer de patience pour trouver les médicaments dans les pharmacies alentour.
Des précédents dès 2010
Face à ces tensions, le SNMR « a décidé de mettre les autorités de santé devant leurs responsabilités ». Le président du syndicat demande à rencontrer le ministère de la Santé et la Haute Autorité de Santé (HAS). Car les pénuries ont tendance à se répéter. En 2010, l’ANSM a publié une note à ce sujet. Les trois spécialités étaient déjà difficiles à obtenir. Rebelote en 2012, sur deux des trois médicaments. « Ce qui nous inquiète, c'est l'importance et la durée de la pénurie. Il faut se mettre autour d'une table pour régler le dossier de façon durable et efficace. »
Les laboratoires ont déjà engagé un travail de concert avec les autorités sanitaires, mais aussi les fabricants. De son côté, le SNMR veut aller plus loin. Il demande que la production des molécules toujours en circulation soit augmentée, afin de compenser la disparition de l’Altim. D'après Eric Senbel, Sanofi a promis d'accroître la production d'Hydrocortancyl afin de combler le manque.
Les stocks des pays voisins pourraient aussi être rapatriés et certaines autorisations de mise sur le marché (AMM) étendues, propose le syndicat. Ainsi, des médicaments qui ne sont pas autorisés pour les injections dans le rachis seraient rendues disponibles. « On ne peut pas les utiliser en théorie, mais en pratique ils ne présentent aucun risque », souligne le Dr Senbel.