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Mediator, Diane 35, contraceptifs

Le médicament malade des scandales

Par Philippe Berrebi

Les affaires sur les médicaments ont en commun des dysfonctionnements, comme l'accès à l'information pour les precripteurs et même pour les décideurs. Mais les réformes annoncées l'ignorent. 

GILE/SIPA
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Hier le Mediator, aujourd’hui Diane 35, demain, les pilules de 3e et 4e générations, chaque scandale sur les médicaments dénonce, en filigrane, les mêmes travers de notre système sanitaire. Au lieu d’y répondre utilement, les gouvernements de tous bords choisissent le registre de l’émotion et du bouc émissaire. Le retrait d’une molécule, des rapports commandés à la hâte à des agences sanitaires qui se marchent sur les pieds, une vague remise en cause de tel ou tel maillon de la chaîne, et voilà l’image d’un ministre ferme et prenant la mesure de la situation.
Si cette posture calme  provisoirement l’inquiétude de l’opinion,  elle ne résout en rien le problème posé par le dit scandale. Au contraire, concernant la suspension de Diane 35,  plusieurs  spécialistes reprochent au gouvernement cette décision prise sous la pression médiatique et qui risque de les embarrasser dans les protocoles de prescription. L’Agence européenne du médicament s’est interrogée à plusieurs reprises sur les demandes de la France concernant  la réévaluation de médicaments  alors qu’aucune nouvelle étude ne le justifiait. Et Michèle Delaunay, dermato-cancérologue, commentait il y a quelques jours le retrait de Diane 35 en affirmant ; « Si nous interdisions,  tous les médicaments qui ont été à l'origine en 20 ans de cinq accidents, notre pharmacopée ne serait pas très large ». Et la ministre aux personnes âgées ajoutait, « il faut savoir raison garder ».

Comme dans l’affaire Mediator, celle des contraceptifs oraux pointe du doigt les prescriptions inappropriées des médecins. En publiant sa liste de médicaments inutiles, la revue Prescrire a beau jeu d’accuser l’industrie ou les agences, elle oublie la responsabilité des professionnels. Les médecins français ne sont pas meilleurs ou moins bons que leurs homologues européens mais ils  prescrivent souvent en dehors des recommandations sans tenir compte des mises en garde. Vice-président de la commission d’Amm rappelait dans un entretien à pourquoidocteur que les Anglais disposent d’un référentiel du bon usage du médicament « une petit livre , type format de poche »,  actualisé chaque année. et qui rappelle toutes les informations utiles sur les médicaments. Les Anglais viennent d'éditer la 64e édition alors que le Pr Jean-François Bergmann continue d'en parler dans les colloques.
Dans les suites de l’affaire Mediator, les pouvoirs publics ont exclu l’industrie pharmaceutique de la formation continue des médecins mais l’ont-ils pour autant remplacé par un autre système ? Cette FMC pratique et la mise à disposition rapide et simple des informations sur les médicaments seraient pourtant les meilleurs garants d’une prescription juste et appropriée.

Car l’information semble être le nœud du problème. Récemment, des associations, des médecins et des économistes ont réclamé une plus grande transparence  et un accès facile aux bases de données de l’assurance maladie. Depuis des années, ses dirigeants sont assis sur ces informations comme Harpagon sur son tas d’or. Ces chiffres auraient permis d’alerter les décideurs sur les prescriptions hors Amm de Diane 35 ou sur les dérives concernant les pilules de nouvelles générations. Pourtant, aucune de ces affaires n'a permis de changer la donne. Il est vrai qu’un partage de l’information induit un partage du pouvoir. Mais il est sans doute plus facile de dénoncer les dérives des médecins, de l'industrie, des patients ou même du sytème dans sa globailté que de corriger ses propres erreurs.

Alors comme le pronostiquait récemment le Pr Bernard Begaud, pharmacologue, « La prochaine crise du médicament est déjà prévisible ».