L’exposition à la nicotine durant la grossesse et après la naissance favoriserait l’apparition de troubles de l’audition chez les enfants, en raison d’une anomalie de développement du cerveau auditif, rapporte une étude publiée dans The Journal of Physiology.
La consommation de tabac de la mère ou le tabagisme passif peut affecter le déroulement de la grossesse et le développement fœtal, avec des conséquences à long terme pour l’enfant. Dans les premiers mois, le tabac augmente les risques de grossesse extra-utérine et de fausse couche spontanée. Plus tard, il accroît également le risque de naissance prématurée ou de retard de croissance chez l’enfant. Puis à la naissance, l’exposition à la fumée contribue au risque de mort subite du nourrisson.
Avec ces travaux, les chercheurs de l’université Freie de Berlin (Allemagne) montrent, pour la première fois, que le tabac peut aussi altérer le développement de l’audition. Ils suggèrent en effet que la nicotine, substance addictive de la cigarette, perturbe le développement du tronc cérébral auditif impliqué dans l’ouïe.
Des neurones auditifs moins performants
Les scientifiques allemands ont mis en évidence ce danger du tabac en étudiant des souris en gestation. Chez certaines, ils ont ajouté de la nicotine dans leur eau de boisson à des taux similaires à ceux absorbés par les gros fumeurs. Les souriceaux ont ensuite été exposés à cette substance après la naissance par la consommation du lait de leur mère. Cette exposition a duré jusqu’à 3 semaine, soit environ 6 ans pour un enfant. Résultat : comparé à des souris non exposées à la nicotine, les neurones de la cochlée (structure de l’oreille qui joue un rôle clé dans l’audition) des cobayes transmettaient moins bien les sons. Autrement dit, ces derniers entendaient moins bien que les autres animaux.
Au vu des ces effets, les chercheurs n’excluent pas que la nicotine affecte d’autres parties de l’oreille. « Nous avons besoin de poursuivre les travaux pour déterminer l’effet cumulatif de la nicotine et les mécanismes moléculaires sous-jacents liés à cette influence toxique », explique Ursula Koch, l’une des auteurs de l’étude. Elle recommande par ailleurs que les enfants exposés au tabac pendant la grossesse et montrant des difficultés d’apprentissage soient vus par un spécialiste pour tester leur audition.
Inciter les femmes à arrêter
En France, environ 18 % des femmes enceintes fument encore au 3ème trimestre de grossesse. C’est le taux le plus élevé d’Europe. Une proportion qui préoccupe les autorités sanitaires. Alors pour inciter un plus grand nombre de fumeuses à arrêter de fumer, le gouvernement a lancé une expérimentation. Depuis novembre 2016 dans les départements volontaires, il est systématiquement proposé aux futures mamans une consultation et un suivi spécialisé par un médecin ou une sage-femme tabacologue.
En parallèle, depuis avril dernier, les femmes enceintes fumeuses suivies dans 16 maternités à travers toute la France peuvent participer à une étude visant à évaluer l’efficacité d’une incitation financière dans le sevrage tabagique. Durant 36 mois, les volontaires bénéficient de 3 à 5 consultations de tabacologie et reçoivent 20 euros en bon d’achat. Elles perçoivent 20 euros supplémentaires pour chaque mois d’abstinence. Une femme suivie depuis le début de sa grossesse pourrait donc recevoir 300 euros.