Chaque année, 200 000 nouvelles personnes sont touchées par la maladie d’Alzheimer, ce qui en fait la maladie neurodégénérative la plus fréquente dans notre pays. Elle est aussi l’une des plus effrayantes, en raison de l’absence de traitement. La recherche avance pourtant à grands pas, souligne le CNRS dans son dossier « Alzheimer : où en est la recherche ? ».
De fait, au cours des deux dernières décennies, les chercheurs ont réussi à percer plusieurs mystères entourant cette démence. L’un des plus grand progrès est certainement dans le domaine diagnostic. Il y a 15 ans, les neurologues ne pouvaient pas affirmer que leurs patients souffraient bel et bien de cette maladie. Son développement était méconnu. Désormais, les spécialistes savent qu’elle démarre dans l’hippocampe avant de s’étendre au reste du cerveau. Ils peuvent également s’appuyer sur 3 critères cliniques bien définis que sont la perte neuronale, l’accumulation de plaques d’amyloïdes et l’agrégation des protéines tau.
Mis au point de tests biologiques
Grâce à leur identification, il a alors été possible de mettre au point des tests biologiques capables d’aider les médecins dans leur diagnostic. Jusqu’à maintenant, les spécialistes n’avaient qu’à leur disposition les examens IRM et les test cognitifs. « On donnait des résultats au doigt mouillé. L’objectif était surtout d’éliminer les autres pathologies, et ensuite on estimait une probabilité que ce soit la maladie d’Alzheimer », raconte Bruno Dubois, responsable du Centre des maladies cognitives et comportementales à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
Aujourd'hui, avec un prélèvement de liquide céphalorachidien, il est possible de détecter la présence de la protéine tau. Une grande quantité de ce biomarqueur est le signe que la maladie d’Alzheimer se développe. Ce dernier peut être détecté à chaque stade de la pathologie, même lorsqu’elle est silencieuse. Un atout qui peut s’avérer préjudiciable car il n’existe aucun traitement. « Les biomarqueurs doivent rester un complément diagnostique, lorsqu’il y a un doute, ou chez des personnes jeunes par exemple », estime le neurologue.
La recherche a également permis une meilleure compréhension des facteurs de risques. Des formes génétiques ont par exemple été découvertes. « Il existe des mutations très rares qui provoquent la maladie, mais ces patients ne représentent que 0,3 % des formes d’Alzheimer. Ces mutations sont portées par des gènes impliqués dans la genèse des peptides amyloïdes », indique Luc Buée, directeur de recherche au centre de recherche Jean-Pierre-Aubert (Lille).
La mauvaise hygiène de vie est aussi mise en cause. Mais l’âge semble être le précurseur le plus important. « Avec le temps, les protéines vont s’agréger dans le cerveau. Et plus la vie dure longtemps, plus la probabilité d’accumulation des protéines augmente », explique Ronald Melki, directeur de recherche à l’Institut des neurosciences Paris-Saclay. Pour contrecarrer ce phénomène naturel, il faut « faire fonctionner son cerveau, avec de la lecture ou des discussions. À cela il faut ajouter un exercice physique régulier et constant, qui va oxygéner le cerveau et lui apporter des nutriments », conseille le spécialiste.
Un espoir sur le long terme
Mieux comprendre les facteurs de risques et identifier les biomarqueurs de la maladie ont également ouvert plusieurs pistes thérapeutiques. L’immunothérapie en fait partie. Depuis une quinzaine d’années, les chercheurs tentent de booster le système immunitaire pour qu’ils détruisent les plaques d’amyloïdes ou l’agrégation des protéines tau. D’autres équipes de recherche se sont alors lancé dans de le développement de stratégies préventives capables d’empêcher la formation des lésions.
Malheureusement, les essais cliniques s’avèrent décevants. Mais les chercheurs ne baissent pas les bras. « Seule cette compréhension des mécanismes impliqués, et de leurs dysfonctions, permettra d’identifier des pistes pharmacologiques visant à bloquer le développement de la pathologie ou, tout au moins, d’interférer dans sa progression », estime Frédéric Checler, directeur de recherche à l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire (Nice). « Ça fait presque 20 ans que l’on cherche à trouver une bonne combinaison. Dans 10 ou 15 ans, nous aurons sûrement beaucoup plus de solutions », signale optimiste Ronald Melki.