L’asthme n’est pas uniquement génétique, comme on a pu le penser. De nombreux indices pointent l’impact de micro-organismes, notamment de bactéries pulmonaires mais aussi intestinales, dans son développement chez l’enfant.
Des chercheurs de l’université de Colombie Britannique (Canada) ont présenté les résultats d’une nouvelle recherche à ce sujet, au congrès annuel de Association américaine pour l’avancement de la science (AAAS), éditrice de la revue Science. En prélevant les selles et en étudiant le microbiote intestinal d’une centaine d’enfants en Équateur, ils ont remarqué que la présence d’une levure, Pichia, était fortement liée à une hausse sensible du risque d’asthme.
Présence d’une levure, absence de bactéries
C’est, cette fois-ci, la présence d’un micro-organisme qui est pointée du doigt pour cette augmentation. En septembre dernier, c’est, à l’inverse, l’absence de variété microbienne chez des enfants âgés d’un mois qui avait été reliée à un risque important de développer de l’asthme avant 4 ans. Ce déficit s’accompagnait d’une quantité anormalement abondante de certains champignons.
« L’influence du profil microbiotique est mieux connue, depuis quelques années, explique le Dr Philippe Godeberge, gastroentérologue à Paris et auteur de Qu'est-ce que tu as dans le ventre ? (Ed. Hachette). Les modifications dans ce profil impactent le système immunitaire, et déterminent en partie le développement d’allergies, ou de l’asthme. Certaines bactéries sont sous-représentées chez les personnes allergiques. »
Ce serait par contact avec la paroi des intestins que ces micro-organismes agiraient, en produisant - ou ne produisant pas - certaines molécules, ajoute le médecin.
Un impact dès la naissance
Comment favoriser les « bonnes » bactéries, et éviter les mauvaises, pour préserver les enfants de l’asthme et des allergies ? La réponse à cette question n’est pas simple, même si quelques principes ont été identifiés. Par exemple, l’allaitement a été associé à une meilleure richesse microbienne.
Dès la naissance, les nourrissons doivent en effet constituer leur capital microbien, qui atteint rapidement 100 000 milliards d’individus. Cette richesse passe par l’alimentation, mais aussi par l’environnement, dès les premiers instants. L’accouchement par voie basse apporte par exemple un bénéfice sensible : le contact du bébé avec la flore vaginale, et souvent avec les bactéries fécales, constitue une première réserve.
L’hygiène en question
Un autre enseignement ressort de l’étude menée à l’université de Colombie-Britannique (UBC). Les enfants qui avaient accès à de l’eau « potable », dans la zone rurale de l’Équateur où a été réalisée l’étude, présentaient plus de cas d’asthme que les autres. « Ces résultats nous ont surpris, s’étonne Brett Finlay, microbiologiste à l’UBC qui a mené les recherches. Nous avons tendance à penser que ce qui est propre est bon, mais nous réalisons que nous avons finalement besoin d’un peu de saleté dans le monde, pour se protéger ».
« Ce genre de résultats a aussi été observé chez les Amish, ajoute le Dr Godeberge. On observe beaucoup moins d’asthme dans cette communauté, car leur mode de vie les expose à beaucoup plus d’allergènes. Pour ces allergènes peu dangereux, ils développent une tolérance qui les protège plus tard. À l’inverse, un environnement aseptisé à l’excès ne permet pas cette tolérance. »
« Le développement de l’hygiène au 20e siècle a grandement participé à l’élimination de maladies infectieuses, poursuit-il, mais a sans doute aussi influencé le développement d’allergies et de l’asthme ».
S’il y a une conclusion à tirer de ces résultats, sur la vie quotidienne, serait donc le suivant : accoucher par voie basse et allaiter lorsque cela est envisageable, et ne pas sombrer dans l’excès de propreté.