Alors que la mortalité liée au paludisme a chuté de plus de 60 % en 15 ans, ce succès pourrait être compromis par l’apparition de résistance aux traitements de référence. Jusque là confinée à l’Asie du Sud Est, la résistance à l’artémisinine apparaît désormais en Afrique, selon une étude publiée dans le New England Journal of Medicine.
Cette découverte laisse entrevoir un scénario tragique et confirme que les phénomènes de résistance sont extrêmement difficiles à contrôler.
L’histoire du paludisme est jalonnée par la perte d’efficacité des médicaments. Déjà dans les années 1960, des résistances à la chloroquine ont émergé en Asie, avant de se répandre en Afrique, entraînant des millions de morts. L’artémisinine, efficace contre la parasite le plus meurtrier baptisé Plasmodium falciparum, s’est alors très vite imposé comme traitement de référence.
Ce médicament antipaludique permet d’éliminer le parasite de l’organisme en seulement 3 jours. Avec la lutte contre les moustiques vecteurs de cette maladie, ce traitement redoutable a permis de faire reculer la mortalité depuis 2001. Plus de 6,8 millions de vies ont été sauvées. Mais là encore, des résistances sont apparues en particulier dans les régions Cambodge-Vietnam-Laos et dans la région ouest du Myanmar entre la Thaïlande et la Chine.
Mais aujourd'hui , ce fléau n’épargne pas l’Afrique, le continent le plus sévèrement touché par le paludisme.
Les résistances se répandent
L’équipe de recherche internationale dirigée par Jun Cao de l’Institut Jiangsu des maladies parasitaires (Chine) a identifié le premier parasite résistant à l’artémisinine en Afrique. Les chercheurs l’ont découvert chez un Chinois ayant travaillé 20 mois en Guinée équatoriale, où il avait été traité 6 fois pour le paludisme. Encore malade à son retour en Chine, les médecins ont séquencé le génome du parasite. Cette analyse génétique confirme l’origine africaine de ce parasite et révèle une une mutation dans le gène Kelch13 (K13), la principale modification contribuant à la résistance au traitement en Asie.
« La propagation de la résistance à l’artémisinine en Afrique serait un revers majeur dans la lutte contre le paludisme puisque ce médicament est la seule arme efficace et largement utilisée contre cette maladie, souligne le Pr Pain. De ce fait, il est très important de surveiller régulièrement la résistance à l’artémisinine dans le monde ».
Dans les régions où la résistance est déjà une réalité, la stratégie est de combiner des anciens médicaments. Les chercheurs soulignent toutefois que ces phénomènes sont encore partiels et peuvent être dépassés. La majorité des malades guérissent, bien que les thérapies demandent plus de temps.