C’est une opération de communication peu conventionnelle à laquelle se livre le laboratoire Biosantech en ce début de mois de mars. A l’origine d’un candidat-vaccin contre le VIH, l’entreprise de Sophia-Antipolis (Alpes-Maritime) se prétend bloquée par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Les deux organismes ont collaboré dans le cadre d’un essai clinique de phase I/IIa (1), désormais clos.
Biosantech avait prévu de communiquer sur ses résultats, ce 28 février. Mais la conférence de presse a été annulée. L’un des investigateurs, rattaché au CNRS n’a pas reçu l’autorisation d’y participer. La très médiatique société s’en indigne dans 20 minutes.
Deux échos différents
« On n’a jamais été si proche du but, seulement voilà, ces recherches sont aujourd’hui coupées par la décision du CNRS », se plaint Corinne Treger, fondatrice de Biosantech. La nature de cette décision ? Erwann Loret, chercheur au Centre national, s’est vu demander de ne pas participer à la conférence de presse prévue par le laboratoire. Une information confirmée par le CNRS à Pourquoidocteur.
La fondatrice de Biosantech accuse l’institution de jouer la montre. « La licence du vaccin va retourner gratuitement dans le giron du CNRS », indique-t-elle dans 20 minutes. C’est un tout autre son de cloche qu’émet l’établissement scientifique national.
« Le CNRS n’a connaissance d’aucun projet de poursuite d’essai clinique, explique l'institution. A ce jour, l’entreprise Biosantech est titulaire d’une licence de brevet lui donnant l’autorisation d’utiliser la technologie. Il n’y a plus aucune relation de co-développement formalisé entre le CNRS et cette entreprise. » Si le chercheur se voit autorisé à communiquer lors de congrès, intervenir en conférence de presse est une toute autre affaire.
Une communication polémique
Difficile de définir l’objet de cette conférence de presse, mais elle visait sans doute à vanter les résultats de ce candidat-vaccin. Dans les colonnes de La Provence, Erwann Loret livre des données pour le moins enthousiastes. « Le résultat le plus remarquable est que les cellules infectées par le VIH ne sont plus détectables chez une dizaine de patients », rapporte-t-il.
L’essai clinique a porté sur 48 patients séropositifs (voir encadré). Le quotidien régional indique que deux patients auraient même entamé une rétro séroconversion – soit un retour vers une séronégativité. C’est aussi la conclusion apportée par Erwann Loret lors de la conférence Vaccines and Immunization, qui se tenait à Berlin (Allemagne) les 20 et 21 février.
Mais c’est bien la communication de la société marseillaise qui gêne, plus que son approche scientifique. Habituée des déclarations fracassantes, Corinne Treger a déjà multiplié les interventions publiques, sans être appuyée par des publications scientifiques. « Je n’ai pas de temps à perdre ! » a-t-elle déclaré sur France Info en 2015.
L’entreprise a fini par publier les conclusions de son essai clinique dans la revue Retrovirology… mais a communiqué à ce sujet plusieurs jours avant. De là à penser que la patronne de Biosantech tente de défendre ses investissements et d’avancer ses pions vers un essai clinique de phase IIb – comme elle le souhaite – il n’y a qu’un pas. Contactée par Pourquoidocteur, la société n’a pas encore émis de réponse.
Un candidat-vaccin curatif venu de Marseille
Eliminer définitivement le VIH de l’organisme d’une personne séropositive, c’est un peu le Graal de la virologie. Nombre d’équipes tentent de trouver une solution curative définitive – parmi lesquelles plusieurs vaccins. Le candidat-vaccin développé par Biosantech, TAT-OYI, fait partie de ces espoirs.
Le produit cible la protéine TAT, exprimée par les différentes souches de VIH, qui empêche le système immunitaire d’éradiquer les cellules dites réservoirs. L’essai clinique de Biosantech est prometteur sur ce plan, puisqu’il a permis de réduire la charge virale de plusieurs volontaires et aurait même provoqué la rétro-séroconversion de deux d’entre eux.
Erwann Loret, investigateur affilié au CNRS, voit plus loin. « Nous allons, avec l’Agence du médicament, proposer à ces deux patients qui ont repris la trithérapie d’arrêter leur traitement, sous suivi médical », explique-t-il dans La Provence. Il faudra encore deux ans sans charge virale détectable pour parler de guérison. Le chercheur envisage aussi la mise en place d’une Autorisation temporaire d’utilisation (ATU) avec un objectif de 10 000 doses pour un premier lot.
(1) Un essai clinique de phase I/IIa est destiné à évaluer l’impact d’une première administration chez l’homme. La combinaison des deux stades permet d’évaluer la sécurité du produit à l’essai ainsi que son efficacité à dose donnée. Ces essais portent généralement sur un petit groupe de patients.