C’est un grand pas, pour un pays champion de la consommation médicamenteuse. Depuis le 1e mars, la France a adopté le « sport sur ordonnance ». Les 10 millions de « patients ALD » (affection longue durée), qui souffrent de pathologies lourdes et chroniques, pourront se voir prescrire des séances d’activité physique adaptées à leur maladie. Objectif : améliorer la condition physique de ces patients mais aussi diminuer la dépendance du système de soins à l’allopathie.
Belle initiative, sur le papier, mais elle fait déjà grincer des dents. Car le dispositif n’est pas financé, comme l’a fait valoir Jean-Marc Descotes, co-fondateur de l’association CAMI – Sport et Cancer, qui exprimait ce mercredi son sentiment de frustration dans nos colonnes. « Le décret d’application a donné l’illusion qu’il ferait entrer l’activité physique et sportive (APS) dans le champ de la santé. Mais il n’en a pas donné les moyens », a-t-il ainsi déploré.
"Une réunion de finalisation"
De fait, le décret ne précise pas les modalités de prise en charge nationale du dispositif. Actuellement, la prescription ne peut donner donc lieu à un remboursement. Par ailleurs, le futur système pèche encore par son manque de simplicité, ce qui peut constituer un frein, à la fois pour les prescripteurs, les collectivités et les patients.
Pour répondre à ces difficultés, une réunion de finalisation doit avoir lieu ce lundi soir sous l’égide de la direction générale de la Santé, avec des représentants du ministère de la Santé, du Sport, de l’Enseignement, mais aussi des éducateurs sportifs, des kinésithérapeutes, des associations et fédérations sportives, ainsi que des élus locaux.
L’objectif est double : valider le formulaire de prescription – un point particulièrement important pour faciliter la démarche des prescripteurs – et mettre au point une instruction ministérielle obligeant les Agences Régionales de Santé (ARS) à inscrire dans tous les plans régionaux un « contrat local santé sport » organisé et financé.
"Basculement"
« Lorsque ces deux conditions seront réunies, les modalités de prise en charge vont s’organiser », veut croire Alexandre Feltz, adjoint santé à la mairie de Strasbourg, où le « sport sur ordonnance » est en place depuis plusieurs années.
« Il s’agit d’un basculement du système français vers la prévention, poursuit-il. Ce thème est déjà repris par les candidats à l’élection présidentielle, qui ont un intérêt évident pour les modalités de financement de la logique préventive. Je n’imagine pas que ce dispositif soit, au final, non remboursé ».
Financement multiple
Dans la capitale européenne, les autorités locales ont fait reposer le financement du « sport sur ordonnance » sur des sources multiples. La ville s’est engagée fortement aux côtés de l’ARS, du conseil départemental, du régime local de l’Assurance Maladie, de la Sécurité Sociale et des mutuelles.
Cette multiplicité des sources a permis de garantir la gratuité du dispositif pour la première année de prescription, succédée d’un système de « tarification solidaire » pour les autres années (20 € par an pour les patients qui perçoivent les minima sociaux ; 50 € pour celles qui sont au Smic ; 100 € pour les salaires supérieurs).
A l’échelle nationale, il y a fort à parier que le dispositif trouvera, à l’image de Strasbourg, un financement pluriel. « Il le faudra, car si la Sécurité Sociale se désengage de ce dossier, les offres privées prendront le dessus. C’est déjà le cas, avec les coach individuels et les salles de sport qui commencent à occuper le créneau ». Le risque de sélection par l’argent serait alors élevé, alors que les pathologies incluses dans la liste des ALD révèlent souvent une profonde discrimination sociale…