A l’œuf, à l’arachide, aux protéines du lait ou encore à la noisette, 17 millions d’Européens souffrent d’allergies alimentaires. « En France comme dans toute l’Europe, le nombre de cas ne cesse d’augmenter et ce sont des cas de plus en plus sévères », souligne le Dr Nhan Pham Thi, pneumo-pédiatre et allergologue à l’hôpital Necker à Paris. Or ces formes sévères exposent au risque de choc anaphylactique, une réaction allergique généralisée dont les conséquences peuvent être dramatiques. « L’allergie alimentaire a une image un peu anecdotique, les gens n’imaginent pas qu’on peut en mourir. Du coup, il y a peu de mobilisation autour de cette maladie », regrette le spécialiste.
L’Académie européenne d’allergie et d’immunologie clinique (EAACI) a donc décidé de s’adresser directement aux politiques européens pour les alerter sur la question. « Les statistiques européennes sont inquiétantes, surtout en raison d’une multiplication par 7 des admissions aux urgences pour anaphylaxie ces 10 dernières années », écrit le Pr Cezmi Akdis, le président de l’EAACI dans sa déclaration publique aux politiques européens.
Pour éviter d’en arriver à ces accidents dramatiques, les spécialistes réclament la mise en place d’une véritable politique de prévention. Elle passe notamment par l’étiquetage des aliments pour limiter les risques de consommation accidentelle de l’aliment allergène. Actuellement, les mentions « peut contenir des traces de noix » ou « peut contenir du lait » ne sont pas obligatoires. Les allergologues réclament donc à l’Union Européenne une réglementation plus stricte qui oblige à indiquer clairement sur les emballages le nom des allergènes présents et dans des caractères différents de ceux utilisés pour lister les ingrédients.
Mais pour repérer l’allergène sur les étiquettes, encore faut-il se savoir allergique. L’EAACI réclame donc aux politiques européens que des campagnes d’information soient menées sur ce thème pour que chacun sache quand consulter un allergologue.
Chez le très jeune enfant, ce sont des signes digestifs tels que des régurgitations importantes, des diarrhées ou une petite prise de poids qui peuvent mettre la puce à l’oreille. Par la suite, l’allergie alimentaire se manifeste davantage au niveau de la peau (eczéma, urticaire…), de la bouche (gonflement de la langue, démangeaisons du palais ou de la gorge…) et des voix respiratoires (rhinite, toux, asthme…).
Quant à prévenir complètement l’allergie elle-même, la médecine est encore loin d’avoir une réponse précise. Il semblerait que la peau joue un rôle beaucoup plus important qu’on ne l’imaginait dans les allergies alimentaires. C’est à travers cette barrière cutanée fragilisée que les allergènes pénètreraient dans l’organisme. « Prenez un petit enfant qui a de l’eczéma, explique le Dr Nhan Pham Thi. Toute la famille mange des cacahuètes à l’apéritif. On prend l'enfant dans les bras, on l’embrasse et cela suffit pour sensibiliser son organisme à l’arachide. Du coup, il peut faire une réaction allergique dès la première fois qu’il mangera une cacahuète ».
Pour les allergologues, il est donc plus judicieux que ces protéines susceptibles de déclencher des allergies soient « présentées » à l’organisme par l’alimentation à partir du 5e mois, au moment où le système immunitaire est le plus à même de s’adapter à ces nouveaux aliments. « On a longtemps retardé l’introduction des œufs ou de la cacahuète dans la diversification alimentaire du jeune enfant, c’était certainement une erreur », affirme l’allergologue. Le conseil est désormais de commencer plus tôt et d’amener progressivement l’enfant à adopter la culture alimentaire familiale, potentiels allergènes compris.