C’est l’un des effets silencieux du conflit. Une conséquence inattendue, noyée au milieu de l’océan de difficultés rencontrées par les habitants de la bande de Gaza. Et pourtant, le phénomène est là, latent, grondant : les femmes sont à court de contraceptifs. La raréfaction des moyens de contraception fait craindre une crise majeure sur ce territoire de 365 km2 où vivent deux millions de personnes.
Inhabitable
En 2020, la bande de Gaza sera inhabitable, a déclaré l’ONU dans un rapport de 2014. Dans le territoire le plus densément peuplé au monde, le taux de fécondité s’établit à 4,5 enfants par femme. « Les conséquences sociales, sanitaires et sécuritaires de la forte croissance démographique et de la surpopulation font partie des facteurs » qui rendront Gaza inapte à abriter la vie dans trois ans, alertent les Nations Unies.
Et peut-être même avant. Les associations de terrain disent rencontrer des difficultés croissantes pour assurer la continuité de la contraception aux femmes gazaouies qui doivent jongler entre les différents moyens, quand toutefois ils sont disponibles. Selon Médecins du Monde et Physicians for Human Rights, les ruptures temporaires se multiplient, les tensions d’approvisionnement s’installent. « La situation n’est qu’encore partiellement documentée, mais nous pensons qu’en juin 2017, nous serons en situation de pénurie », rapporte Léo Goupil-Barbier, chargé de plaidoyer Médecins du Monde en Palestine.
La baisse de financement des programmes des Nations Unies dédiés à la contraception pourrait être à l’origine de ces pénuries, qui conduisent à un taux de grossesses non désirées particulièrement élevé à Gaza. A Hebron, dans le sud de la Cisjordanie, une étude a montré que 70 % des femmes avaient eu recours à une IVG - dont les deux tiers de manière clandestine, l’accès à cette intervention étant particulièrement restreint, et réservé aux urgences vitales. « La situation n’est pas vraiment comparable à celle de Gaza, plus complexe encore, mais ces chiffres permettent de se forger une idée », commente Léo Goupil-Barbier.
Blocus
En 2017, Gaza traverse sa dixième année de blocus ; en six ans, le territoire a été le théâtre de trois guerres, la dernière datant de 2014. Dans ce contexte chaotique, la santé des Gazaouies est mise à l’épreuve et particulièrement lorsqu’elles tombent enceinte. Les associations alertent ainsi sur les soins périnataux qui subissent les effets du blocus.
« Pour quitter Gaza afin de bénéficier d’un soin dans le territoire voisin, il faut une autorisation des autorités israéliennes », explique Dana Moss, chargée de plaidoyer à Physicians for Human Rights. En effet, les terres palestiniennes sont découpées en trois zones : la bande de Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est. Israël contrôle les points d’accès de chacune de ces régions. « Mais nous avons de plus en plus de difficultés à obtenir les autorisations », insiste-t-elle.
Selon les données de PHR, 200 à 300 000 personnes, femmes enceintes et patients, se voient reporter ou annuler leur demande d’autorisation de sortie du territoire pour des soins ; le rythme des refus s'est accru en 2016. Pour l’instant, seule la pression médiatique semble faire flancher l’administration. « La presse a rapporté le cas d’une Gazaouie qui a accouché à Est-Jérusalem de jumeaux. L’un est mort, l’autre est né grand prématuré. La femme est revenue à Gaza pour s’occuper de ses autres enfants et n’a pas pu retourner voir son bébé pendant six mois. L’écho donné à cette histoire a permis d’obtenir une autorisation il y a deux jours ».
Pour les grossesses sans complications suivies à Gaza, les conditions sont là aussi délétères. Les ONG ont documenté les soins post-nataux dans les hôpitaux du territoire. Les données montrent que 58 % des femmes restent moins de six heures dans un établissement après avoir accouché, contre 9 % en Cisjordanie.
A Paris et à Bruxelles, les ONG étaient en mission plaidoyer pendant le mois de février. Il s’agissait de sensibiliser les bailleurs de fonds et les décideurs politiques sur les conséquences du blocus sur l’accès aux soins. Espérons que leur discours fût convaincant…
Le cas des anticancéreux
En décembre 2016, des femmes atteintes de cancer, majoritairement du sein, ont défilé dans les rues de Gaza pour réclamer leur libre passage vers les hôpitaux des autres territoires, et la levée des restrictions sur les médicaments. En effet, les autorités israéliennes appliquent sur les produits qui traversent les frontières le principe de la « liste de double usage » : certaines marchandises sont également considérées comme des armes létales. Il en va ainsi des radiothérapies anticancéreuses.
La main d’œuvre subit les mêmes barrages. Ainsi, si les associations internationales passent les check-points dans trop d’encombrement, les équipes médicales palestiniennes n’entrent à Gaza qu’au compte-goutte, augmentant la complexité de la prise en charge de ces femmes.