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Chirurgies abusives

Personnes intersexes : le Sénat suggère de les indemniser

Par Audrey Vaugrente

Les personnes intersexuées opérées contre leur gré doivent être indemnisées. C'est l'avis d'un rapport sénatorial publié ce 7 mars. Il plaide pour un meilleur suivi.

Le mannequin , qui a récemment révélé son intersexuation (WWD/Shutterstock/SIPA)

Pour certains, c’est une torture. Pour d’autres, une mutilation. La chirurgie des organes sexuels est rarement bien vécue par les personnes intersexes. Et pour cause : longtemps, le choix n’a pas été laissé aux intéressés. Sur le papier, les personnes intersexes – ou atteintes de variations du développement sexuel – naissent avec de organes sexuels formés de telle façon qu’on ne peut affirmer s’ils sont filles ou garçons (voir encadré). 
Dans un rapport sénatorial remis ce 7 mars, une délégation marque la fin de ce tabou. Les co-rapporteurs, Maryvonne Blondin (PS) et Corinne Bouchoux (EELV), proposent d’indemniser les personnes qui ont été opérées contre leur gré.

De lourdes conséquences

Deux solutions se sont opposées au cours des débats : une mise en cause des médecins qui pratiquent l’intervention sans prendre l’avis des premiers concernés, ou une indemnisation par l’Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux (Oniam) Cette dernière solution semble « préférable à celle de la réparation qui passerait par la mise en cause d’une responsabilité civile et pénale des professionnels de santé », juge le rapport.

Cette issue présente l’avantage de reconnaître le préjudice subi par les personnes intersexes. Car les interventions peuvent laisser des séquelles à long terme, lors des rapports sexuels ou d’une simple miction. « Aujourd’hui, j’ai 51 ans et toujours des douleurs : je souffre d’infections urinaires, j’ai des lésions neurologiques liées aux chirurgies qui me font souffrir en permanence et m’obligent à marcher avec une canne », témoigne Vincent Guillot, interrogé par les rapporteurs.

Améliorer le suivi

C’est en fait toute la prise en charge médicale qui doit être revue, estiment les sénatrices. Elles recommandent ainsi de ne pas intervenir tant que l’enfant n’est pas en mesure de se prononcer par lui-même. Si l’accompagnement est davantage la règle, des efforts peuvent encore être obtenus. En effet, nombre de personnes ne sont pas suivies sur le long terme. Le rapport préconise donc la mise en place de protocoles de soins qui renforcent la prise en charge médicale, mais aussi psychologique.

Pour cela, il sera nécessaire d’améliorer la formation des professionnels de santé, afin de les sensibiliser au sujet. Et pourquoi pas, suggère la délégation, établir un protocole de traitement qui mette en avant les principes de précaution et de nécessité médicale. Dans tous les cas, le ministère des Affaires sociales et de la Santé devra s’emparer du sujet.

Faciliter les démarches d’état civil

Plus de transparence, mais aussi plus de chiffres. Actuellement, aucune statistique fiable n’existe sur les personnes intersexes. L’état civil se montre muet sur le sujet. Un silence qui doit prendre fin, selon le rapport sénatorial. Car il est emblématique du malaise autour de ce sujet et les répercussions sont lourdes sur ceux qui en sont victimes.

Reste à résoudre la délicate question de la déclaration à l’état civil. Il ne reconnaît pas, pour l’heure, le sexe neutre. Il revient donc aux parents de choisir très tôt. La délégation suggère donc de prolonger le délai de déclaration des naissances au-delà des cinq jours afin de permettre un délai de réflexion plus long, mais aussi de faciliter les démarches de changement de sexe… sans pour autant les mentionner sur les documents officiels. Une manière d’obtenir une tranquillité bien méritée.

 

L’intersexuation, une définition aux multiples facettes

Le rapport du Sénat le reconnaît : définir l’intersexuation est un exercice difficile. Rien d’étonnant à cela, puisque ce terme recouvre une grande variété de situations. Sur le papier, les personnes intersexes – ou atteintes de variations du développement sexuel – naissent avec de organes sexuels formés de telle façon qu’on ne peut affirmer s’ils sont filles ou garçons. Mais dans les faits, de nombreuses conditions sont observées par les spécialistes.

Alors, pour faciliter les démarches, cinq « groupes » ont été créés, en fonction de la nature de l’anomalie. Le premier regroupe une anomalie des organes sexuels par rapport aux gènes, le deuxième des personnes dont le profil génétique est masculin mais qui ne correspond pas aux organes sexuels. Un troisième groupe rassemble des personnes dont l’ensemble chromosomique est inhabituel et les organes sexuels mal formés, le quatrième les cas d’hermaphrodisme « réels » - avec deux structures coexistantes. Enfin, le dernier groupe concerne les personnes dont les hormones et les chromosomes sont normaux mais dont les organes sexuels sont atteints de malformations graves.