L'Institut Pasteur fait depuis décembre l'objet d'une enquête judiciaire sur les conditions dans lesquelles de dangereux virus ont pu arriver à l'Institut en octobre 2015, de Corée du Sud, sans que les autorités sanitaires soient au courant. Selon le Parisien, quatre personnes, dont le directeur général de l'Institut Christian Bréchot, sont convoquées par les policiers de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP) de la PJ parisienne.
En octobre 2015, une chercheuse de l’Institut Pasteur de Corée du Sud prend l’avion avec trois échantillons de Mers Coronavirus, bien rangés… dans une boîte à cosmétiques, à l’intérieur de son sac à main. Une fois arrivés à l’Institut Pasteur de Paris, les échantillons ne sont pas placés au sein d’un laboratoire P3 ou P4, comme l’exigent les MOT (micro-organismes et toxines) hautement pathogènes. Ils sont posés sur étagère d’un bureau et y restent une bonne semaine. Quand la direction française découvre l’affaire, elle ordonne la destruction des échantillons sans en référer aux autorités sanitaires, au mépris, donc, de la réglementation.
Les faits ont été révélés par Le Parisien ; une enquête est en cours sur ce transport clandestin de virus inactivé et donc inopérant, dépourvu de pouvoir pathogène. Elle se déroule dans un contexte sensible pour l’Institut Pasteur. La légitimé du directeur actuel, qui occupe son second mandat, est remise en cause parce qu’il a dépassé l’âge limite de la fonction, 65 ans. Une enquête IGAS a été diligentée afin d’éclaircir les conditions du renouvellement de ce mandat.
Par ailleurs, ce n’est pas la première fois que des dysfonctionnements sont pointés à l’Institut Pasteur. En avril 2014, l’établissement a par exemple égaré plus de 2000 tubes de virus du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS); plus récemment, les autorités sanitaires ont ordonné la fermeture d’une animalerie parce qu’un chercheur avait omis de demander un complément d’autorisation de manipuler un MOT. Le Pr Christian Bréchot, directeur général de l’Institut, revient sur ces différentes accusations (interview réalisée le 8 mars).
Pourquoi n’avoir pas prévenu les autorités sanitaires quand vous avez découvert l’affaire ?
Christian Bréchot : D’abord, nous avons toujours eu la certitude qu’il n’y avait aucun virus contagieux dans l’échantillon transporté. J’ai ordonné la destruction immédiate de cette échantillon, non pas pour opérer « en douce » mais simplement parce que c’est la procédure. Il faut savoir que la déclaration à l’ANSM doit être faite par le chercheur titulaire de l’autorisation des MOT. La déclaration n’a pas été faite, c’est une erreur tout à fait involontaire. Ce n’était pas au directeur général de Pasteur de la faire.
Mais nous aurions dû vérifier et il y a eu, c’est vrai, un problème de communication. Nous le reconnaissons depuis le début de cette affaire. Mais il n’y a eu aucune menace sanitaire ni manipulation de la part de l’Institut.
Mais comment cela a-t-il pu se produire dans votre établissement ?
Christian Bréchot : C’est tout à fait anormal. La chercheuse travaillait à l’Institut Pasteur de Corée du Sud, lequel est indépendant. Il faut savoir que la loi coréenne n’impose pas de demander une autorisation d’exporter des échantillons inactivés. En revanche, elle aurait dû faire une demande d’importation auprès de l’Institut Pasteur de Paris et elle ne l’a pas fait, ce qui est non seulement anormal mais aussi exceptionnel.
Depuis cette histoire, nous avons travaillé avec chacun des 33 instituts du réseau international sur ce point en particulier. Nous avons vraiment renforcé les procédures, l’information et la formation des chercheurs.
Ce n’est pas la première fois que d’importants dysfonctionnements surviennent à l’Institut Pasteur…
Christian Bréchot : Nous avons 20 laboratoires P3 et 2500 personnes qui travaillent. Il n’y pas une multiplication mais une raréfaction de ces incidents. Ils restent exceptionnels, mais sont malheureusement le lot de tous les grands instituts… Les Américains, par exemple, font face aux mêmes difficultés.
Mais cela n’excuse rien et il faut renforcer les procédures ; c’est ce que nous faisons. Nous avons mis en place depuis février avec l’ANSM un dispositif d’alerte qui permet au directeur général, et plus seulement au titulaire de l’autorisation MOT, de prévenir dans les 24 heurs l’ANSM quand il y a un problème. Cela permet de donner une alerte rapide, même si le scientifique omet de faire la déclaration.
Par ailleurs, nous avons des séances de formation, nous avons renforcé les règlements. Je comprends que ces incidents puissent impressionner mais il n’y a pas de risque sanitaire. Nos chercheurs travaillent en permanence dans les laboratoires. La communauté scientifique de Pasteur est très choquée par ce qui a été publié, parce que nous sommes transparents et parce que l’Institut travaille pour le bien du public, et non pas en menaçant sa santé.
La légitimité de votre mandat est remise en cause. Que répondez-vous ?
Christian Bréchot : Je ne cherche pas à m’accrocher à ma position et ce n’est pas moi qui ai suscité les nombreuses lettres de soutien, demandant à ce qu’on trouve des solutions pour que je fasse un deuxième mandat.
Le nouveau conseil d’administration a proposé de prolonger le mandat de deux ans. Le motion n’a rassemblé que les deux tiers des votes, il fallait les trois quarts pour qu’elle soit adoptée. Je respecterai bien évidemment ce vote et terminerai mon mandat au 30 septembre 2017, s’il n’y a pas de fait nouveau.