« On vit une période absolument fantastique en alcoologie. Il n’y a pas eu de nouveau médicament depuis 1995, on avait seulement 3 traitements disponibles jusque là. En 2013, il y en a enfin un 4ème qui va arriver et 2 autres poussent leur nez juste derrière », se réjouit le Pr Henri-Jean Aubin, addictologue à l’hôpital Paul Brousse de Villejuif.
Parmi les trois nouveaux traitements qui suscitent l’enthousiasme des spécialistes, il y a bien sûr le Baclofène, ce décontractant musculaire qui est déjà fréquemment prescrit hors AMM dans le traitement de la dépendance alcoolique. D’ores et déjà, les témoignages de patients « guéris » de leur alcoolisme et même ceux des médecins qui le prescrivent avec succès ne manquent pas. Deux essais cliniques sont actuellement menés en France à la fois en médecine de ville et à l’hôpital pour valider l’efficacité et la tolérance de ce traitement.
Enfin, bien que moins médiatisé, un autre médicament est également dans sa dernière phase de test dans le sevrage alcoolique, l’oxybate de sodium, ou Alcover. Un traitement qui a quasiment le même mécanisme d’action que celui du Baclofène et qui supprime le désir d’alcool.
Ecoutez le Pr Henri-Jean Aubin : « Il y a un récepteur cérébral qui est particulièrement sensible aux effets de l’alcool, le GABA-B. Le Baclofène comme l’Alcover viennent stimuler ce récepteur comme le fait l’alcool. »
20 centres français participent à l'évaluation clinique de Alcover, d’ailleurs, le service d’addictologie de l’hôpital Paul Brousse participe simultanément aux programmes de recherche sur les deux médicaments. « On n'est pas dans une logique commerciale de concurrence, on teste les deux médicaments chez nous. Au final, en tant que médecin, plus on aura de solutions, plus on aura de possibilités thérapeutiques pour aider correctement nos patients», confie le Pr Henri-Jean Aubin.
Les résultats de l’étude sur l’Alcover seront connus d’ici 1 an et demi environ, mais les investigateurs sont déjà assez confiants car ils avancent en terrain connu. En effet, ce produit est déjà commercialisé dans l’indication du sevrage alcoolique depuis 15 ans en Italie et en Autriche. Malgré cela, pour valider une mise sur le marché européenne, il est nécessaire de refaire toutes les études d’efficacité et de tolérance avec les exigences sanitaires actuelles.
Ecoutez le Pr Henri-Jean Aubin : «Si on veut une AMM à l’échelle européenne, il faut tout refaire. Par exemple, même si on sait que c’est efficace à 50mg, on doit tester plusieurs doses »
Dans les 13 études comparatives déjà publiées sur l’Alcover, certaines ont montré qu’il était efficace dans le cadre du sevrage, d’autres également dans la prévention de la rechute. Après 3 mois de traitement, ces travaux ont montré que le taux de succès est multiplié par 5 par rapport au placebo, avec assez peu d’effets secondaires tel que des vertiges et parfois des effets gastro-intestinaux comme des diarrhées.
Dans ce nouvel élan de la recherche thérapeutique dans la dépendance alcoolique, une autre molécule est encore plus près d’être sur le marché français. Le Nalméfène vient d’obtenir son autorisation européenne de mise sur le marché. Les spécialistes espèrent qu’il sera sur le marché français au plus tard fin 2013. C’est un produit qui s’adresse à des adultes dépendants à l’alcool, à consommation élevée (>60g/jour pour les hommes et >40 g/jour pour les femmes), qui ne sont pas diposés à s’engager dans l’abstinence totale mais qui souhaitent réduire leur consommation.
Ecoutez le Pr Henri-Jean Aubin : « La réduction est un concept qui a été développé avec ce médicament et qui répond à une vraie demande d’1 patient sur 2. Les résultats sont remarquables et la réduction dure dans le temps. »
Le Nalméfène se distingue aussi des autres par son mode de consommation. C’est un médicament qui se prend à la demande, c’est-à-dire qu’il est pris de manière ponctuelle lorsque le patient sait qu’il va être tenté par l’alcool. Cela peut être avant une soirée, par exemple pour certains alcoolo-dépendant qui pratiquent le binge drinking uniquement le week-end, aussi bien que pour les alcooliques qui consomment plus régulièrement.
Malgré tous ces espoirs dans le traitement de l’alcoolisme, certains spécialistes tirent la sonnette d’alarme et rappellent que pour guérir de l’alcool, il est rare que le traitement médical suffise. D’ailleurs, l’Agence européenne du médicament a bien précisé que pour le Nalméfène, la prescription ne devrait se faire qu’en association avec un soutien psychosocial mettant l’accent sur l’observance et la réduction de la consommation.
Ecoutez le Pr Michel Lejoyeux, addictologue à l’hôpital Bichat: « C’est dangereux de croire qu’il suffit d’un médicament pour sortir d’un comportement. »