Le ReAGJIR (1), syndicat qui rassemble et représente les jeunes généralistes (remplaçants, jeunes installés et chefs de clinique), pointe ses projecteurs sur une injustice. Elle concerne les maîtres de stage des universités (MSU) de médecine générale qui forment des étudiants (internes ou externes) en les accueillant dans leur cabinet.
Pour cela, ils reçoivent normalement des honoraires pédagogiques de la part de l’Agence Régionale de Santé (ARS) en dédommagement de leur disponibilité pris sur leur temps de travail. Sauf que depuis 2011, ce fonctionnement a commencé à poser problème. Cette année-là, une première université (Strasbourg) a refusé de payer un praticien pour cette activité.
Et si le problème peut sembler anecdotique pour certains, il va en réalité bien plus loin qu'on l'imagine : « Cette attitude illégale et irrespectueuse s’est étendue à la majorité des facultés de médecine. », confie le Dr Stéphane Munck du syndicat ReAGJIR. Contacté par Pourquoidocteur, il décrit cette situation de blocage.
Quels sont les professionnels concernés ?
Dr Stéphane Munck : Ce traitement illégal concerne les chefs de clinique, les maîtres de conférences universitaires et les professeurs universitaires. Au départ, le phénomène était assez isolé. Cela concernait un établissement. Mais depuis quelques mois, cette pratique s'est généralisée à la majorité des universités françaises. Ces établissement ont, soit arrêté les rémunérations, soit, menacent de le faire. Au total, nous avons comptabilisé entre 10 et 15 universités qui réfléchissent à ne plus payer les universitaires pour la maîtrise de stage.
Face à cette injustice, nous avons sollicité le ministère de la Santé, qui nous a assuré de son soutien. Mais le secrétariat d’Etat chargé de l'Enseignement supérieur a décidé de jouer la montre en bloquant la circulaire.
La rémunération qui leur échappe s'élève à combien ?
Dr Stéphane Munck : C'est une rémunération qui peut être versée à des monômes, des binômes ou des trinômes de maîtres de stage. Chacun est payé 600 euros par mois. C'est-à-dire que, si vous êtes dans un binôme, chacun est payé 300 euros pour l'accueil d'un interne. Dans ce cas, cela fait une rémunération de 1 800 euros par semestre, ou 3 600 par an.
Parfois, ces sommes ne sont pas touchées par les universitaires depuis des années. Avec des manques à gagner de plusieurs milliers d'euros pour certains praticiens. Par ailleurs, on ne sait pas où va cet argent. C'est aussi le problème de la situation actuelle car ces financements se font sur le budget de l'Assurance maladie. La CNAM rembourse aujourd'hui les Agences Régionales de Santé (ARS) et les facultés pour des stages qui sont effectués mais qui ne sont pas payés aux maîtres de stage.
La risque n'est-il pas que les étudiants ne trouvent plus de stages ?
Dr Stéphane Munck : C'est en effet le risque et cela menace plus largement la médecine générale. On sait que les stages sont le meilleur levier pour inciter les jeunes généralistes à s'installer et à lutter contre la désertification médicale. La maîtrise de stage prend du temps et ce temps pédagogique n'est pas occupé pour le soin. Le médecin qui ne gagne pas d'argent quand il forme un confrère mérite donc un salaire en dédommagement.
La non reconnaissance du travail fourni par les maîtres de stage va démotiver les jeunes médecins et les étudiants de la profession. C'est très inquiétant lorsqu'on sait que la médecine générale est déjà en sous-effectifs ce qui entraîne d'importantes difficultés au niveau de la formation.
(1) Le Regroupement Autonome des Généralistes Jeunes Installés et Remplaçants
D'après le ReAGJIR, les universités se défendent en arguant que les médecins concernés se voient refuser ce paiement du fait de leur statut de chef de clinique. Un chef de clinique est à mi-temps médecin installé, en exercice libéral ou salarié, et à mi-temps à l’Université pour des activités d’enseignement et de recherche.
C’est dans le cadre de son activité de soins qu’il choisit de devenir ou non maître de stage en accueillant des étudiants. Mais l’Université a décidé d’interpréter le décret du 28 juillet 2008 relatif au personnel enseignant des universités de manière partielle, sans tenir compte du reste de la loi : le chef de clinique ne doit recevoir aucune rémunération supplémentaire dans le cadre de ses tâches que sont l’enseignement, la recherche, les soins et la participation aux fonctions de gestion.
Le Dr Sophie Augros, présidente deReAGJIR, explique : « Cette interprétation est vraie mais seulement dans le cadre de son activité universitaire, pas dans celui de son activité de soins. Si l’on va au bout de l’interprétation faite par l’Université, doit-on en conclure que le chef de clinique devrait délivrer gratuitement des soins ? On marche sur la tête. »