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Pr Frank Zerbib

Cancer colorectal : «Les patients sous-estiment le rôle du mode de vie»

ENTRETIEN. Une étude confirme qu'un mauvais mode de vie augmente le risque de cancer colorectal de manière conséquente. Or, les Français en sont peu conscients. 

Cancer colorectal : \ Daxiao_Productions/epictura




Le mode de vie contribue grandement au risque de développer un cancer colorectal, rappelle une étude publiée dans Scientific Reports en pleine campagne Mars bleu, le mois de promotion du dépistage de ce cancer. Ces travaux menés auprès de plus de 10 000 personnes montrent que les antécédents familiaux sont le facteur de risque le plus important. Avoir un père, une tante ou un cousin atteint augmente, en effet, le risque de plus de 125 %.

Mais ces travaux confirment que les facteurs environnementaux sont bien plus à craindre que la génétique. Adopter de mauvais comportements alimentaires et sédentaires expose à un risque accru de 36 % d’avoir un cancer du côlon. En comparaison, être porteur d’une mutation génétique acquise au cours de la vie augmente de 7 % ce risque.

Ces résultats devraient encourager les patients à changer de mode de vie. Mais encore faut-il qu’ils prennent conscience du poids de ces facteurs de risque. Comme le souligne le Pr Frank Zerbib, gastro-entérologue au CHU de Bordeaux et secrétaire général de la société française de gastro-entérologie, à peine 1 Français sur 3 sait que consommer trop de viande rouge favorise l’apparition d’un cancer colorectal.


Quel est l’impact du mode de vie sur le risque de développer un cancer colorectal ?
Pr Frank Zerbib :
Le mode de vie impacte significativement le risque de développer un cancer colorectal. S’il est important, il faut rappeler que le facteur de risque principal reste les facteurs familiaux et les antécédents de polypes ou de cancers chez les apparentés. Il est donc fondamental que les patients évaluent leur risque familial car il détermine les stratégies de dépistage qui vont en découler.

En ce qui concerne le mode de vie, on connaît plusieurs éléments favorisant le risque de cancer, qui sont tous plus ou moins liés. Il y a l’obésité qui augmente tous les risques de cancers, et en particulier le cancer colorectal. Une hausse de 5 points d’indice de masse corporelle augmente de 14 à 15 % le risque d’avoir un cancer colorectal. Il y a également un lien avec la sédentarité, elle-même liée à l’obésité.

Enfin, parmi les facteurs alimentaires, il est bien connu et confirmé étude après étude qu’une alimentation pauvre en fruits, en fibres alimentaires et trop riche en graisses et surtout en viandes rouges, préparées – les jambons par exemple – et même les viandes blanches augmente le risque. Rappelons que les autorités recommandent d’en manger moins de 500 g par semaine, ce qui est peu dans l’alimentation occidentale.

 

Les patients sont-ils suffisamment conscients de ce risque ?
Pr Frank Zerbib :
 Clairement, ils ne le sont pas. Les patients ont maintenant un niveau d’information relativement bon concernant les consommations d’alcool ou de tabac. En revanche, une enquête récente menée par la Société française de gastro-entérologie auprès de plus de 1 000 personnes montre que 30 % à peine sont conscients que les facteurs alimentaires peuvent avoir un impact sur le risque de cancers digestifs, et en particulier du cancer colorectal.

Peut-on imaginer que le dépistage cible les patients présentant ces facteurs de risques ?
Pr Frank Zerbib : C’est une question en effet très discutée au sein de la profession. Aujourd’hui, les recommandations de recours à la coloscopie, parce qu’en fait la question se pose là, se fondent uniquement sur le risque familial dont je vous ai parlé. Or, d’autres suggèrent effectivement qu’on pourrait étendre le dépistage par coloscopie à des patients qui cumuleraient un certain nombre de facteurs de risque, dont l’obésité, la consommation de tabac ou de viande rouge. Il n'y a pour l'instant consensus. Mais c’est certainement une tendance vers laquelle nous allons aller dans les années qui viennent.

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