« Je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer adéquatement le ministère pétrinien » Par ces mots, prononcés hier en latin à Rome devant les cardinaux réunis en consistoire, Benoît XVI a annoncé qu’il abandonnerait le pontificat le 28 février prochain.
Pour les spécialistes du grand âge, il ne peut s’agir seulement d’un vieil homme que ses forces abandonnent. « On sent dans le discours de Benoît XVI que sa volonté n’est pas abolie mais qu’il souffre de cette impuissance du faire, analyse Cyril Hazif-Thomas, gérontopsychiatre au CHU de Brest. Ce sont des signes qui laissent penser à un trouble de la motivation et qui en consultation me pousserait à rechercher des signes de dépression ».
Ecoutez le Dr Cyril Hazif-Thomas, gérontopsychiatre au CHU de Brest : « La démotivation est très fréquente chez les Anciens. Ce qui était le but de votre vie perd son sens »
Cette démotivation peut être liée à une dépression, à une maladie neurologique débutante de type Alzheimer ou Parkinson ou encore à une pathologie physique de sombre pronostic. Même si pour le Dr Hazif-Thomas, on ne peut exclure au vu de la fonction exercée par Benoît XVI « une décision non pas dictée par la souffrance mais par l’autodétermination, par le sentiment d’avoir accompli son chemin spirituel et de pouvoir partir serein en quelque sorte ».
Cette décision historique pour l’Eglise a suscité un grand nombre de réactions louant la lucidité et la responsabilité du pape, contraint, à l’approche de ses 86 ans, à « reconnaître son incapacité à bien administrer le ministère qui lui a été confié ». Or l’histoire regorge plutôt d’hommes d’état visiblement malades qui se sont accrochés jusqu’au bout à leurs fonctions, à commencer par le propre prédécesseur de Benoît XVI, le pape Jean-Paul II. C’est très rarement la maladie qui altère le jugement au point de ne pas se rendre compte de la perte de ses capacités. Hormis le cas particulier de l’anosognosie, le symptôme neurologique évoqué en 2011 à propos de Jacques Chirac.
Ecoutez le Pr Joël Belmin, chef du service de gériatrie à l’hôpital Charles Foix à Ivry sur Seine : « Ne pas se rendre compte de ses troubles, c’est de l’anosognosie, souvent en phase avancée des maladies apparentées à Alzheimer »
Se déplaçant avec difficultés lors de ses dernières interventions publiques, Benoît XVI n’a pour l’heure évoqué aucun diagnostic médical justifiant sa décision.