A en croire les publicités, la frontière est parfois ténue entre produits cosmétiques et médicaments. Mais un laboratoire français l’a allègrement franchie. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) vient de retirer du marché deux « sérums anti-âge » vendus par le laboratoire Promicea.
Les produits, vendus comme cosmétiques, correspondent en fait à la définition du médicament. Mais ils n’ont pas suivi le parcours habituel, qui permet d’obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM).
Une infraction évidente
Neostem sérum et Neostem pocket lift étaient jusqu’ici vendus sur le site de Promicea, ainsi que dans quelques pharmacies françaises, pour une somme de 69 à 89 euros. Un coût élevé pour un procédé précis. « De récentes études ont montré une relation causale entre le dysfonctionnement des télomères et la surproduction de progérine », explique le laboratoire sur son site.
La progérine est une protéine impliquée notamment dans le vieillissement prématuré de certains patients atteints d’une maladie rare, le syndrome de Hutchinson-Wilford. Promicea parie donc sur la production de cette protéine. Ses sérums associent l’alendronate de sodium à la pravastatine de sodium pour améliorer le renouvellement des cellules. Sur le papier, l’approche est prometteuse.
A un détail près : les deux principes actifs cités sont des médicaments. Et le laboratoire n’a reçu aucune autorisation officielle pour les utiliser. Les produits sont donc en infraction par rapport à la réglementation qui s’applique.
De nombreux effets secondaires
Ce non-respect des règles fixées par l’ANSM vaut déjà une suspension en soi ; mais l’affaire ne s’arrête pas là. En vendant ses sérums comme produits cosmétiques, Promicea n’a pas réalisé d’évaluation du rapport bénéfice/risque. Or, la pravastatine et l’alendronate de sodium sont tous deux des médicaments, indiqués respectivement dans l’excès de cholestérol et l’ostéoporose.
Mais ils sont surtout inscrits sur la liste des substances vénéneuses. Cela signifie que les effets secondaires peuvent présenter un risque pour la santé humaine. Le laboratoire ne l’ignore pas, puisqu’il déconseille les sérums aux femmes enceintes et allaitantes. Et les effets indésirables associés aux principes actifs sont larges : troubles gastro-intestinaux, réactions cutanées, troubles du système immunitaire… La liste est longue.
Fin de la production
S’y ajoute un élément clé : la toxicité ophtalmologique de l’alendronate de sodium est connue. Et l’un des deux sérums est destiné aux yeux. Sans compter que la pravastatine interagit avec deux autres médicaments, les fibrates – un hypolipémiant – et la ciclosporine – un traitement anti-rejet. En somme, « les propriétés pharmacologiques (des sérums sont) incompatibles avec le statut de produit cosmétique », tranche l’ANSM.
Promicea se voit donc contraint de retirer les produits du marché « jusqu’à leur mise en conformité avec la réglementation du médicament qui leur est applicable ». Il ne pourra pas non plus les distribuer à titre gratuit ou les fabriquer tant qu’il n’est pas rentré dans le rang. Mais le laboratoire se montre plutôt optimiste sur son site, puisqu’il précise que les sérums seront « bientôt disponibles ».