Au pied de la Cordillère des Andes vit un peuple qui risque de faire des jaloux. Les Tsimane vivent encore des fruits de leur cueillette et de leur chasse. Mais ça n’est pas leur alimentation qui suscite la curiosité des chercheurs du monde entier. C’est leur cœur. Le plus sain du monde, à en croire l’étude parue dans la revue scientifique The Lancet. Dans cette tribu traditionnelle, l’athérosclérose est cinq fois moins fréquente qu’aux Etats-Unis.
Des marqueurs de risque absents
Une équipe composée d’anthropologues et de médecins s’est déplacée en Bolivie, sur le piémont andin. Les chercheurs y ont rencontré plus de 700 adultes Tsimane répartis dans 85 villages. Ces habitants ont accepté de se soumettre à un scanner qui permet d’évaluer la présence de plaque d’athérosclérose, un marqueur de risque cardiovasculaire. Tout un panel d’éléments de santé a été relevé au cours des visites.
Les résultats ne laissent aucune place au doute. La tribu Tsimane abrite les cœurs les plus sains du monde. 85 % des adultes ne présentent aucun risque de développer une maladie cardiaque et 13 % sont à faible risque. Cette santé incroyable se prolonge même chez les plus âgés : après 75 ans, deux personnes sur trois n’ont toujours aucun signe inquiétant.
« Les indigènes Tsimane d’Amérique du Sud ont la plus faible prévalence d’athérosclérose de toute les populations étudiées jusqu’ici », résume le Pr Hillard Kaplan, anthropologue à l’université du Nouveau-Mexique (Etats-Unis). De fait, le contraste avec les Etats-Unis est frappant : seuls 14 % de la population ne risquent pas de développer une pathologie cardiaque.
Cochon sauvage, tapir et capybara
Rien de bien sorcier pour expliquer l’excellente santé des Tsimane. Cette tribu est active la majeure partie de la journée. La sédentarité occupe la moitié du temps des sociétés modernes, contre 10 % chez ce peuple traditionnel. En moyenne, les hommes sont actifs 6 à 7 heures par jour, les femmes 4 à 6 heures.
Pas sédentaires, donc, mais aussi irréprochables sur le plan alimentaire. 72 % du régime Tsimane se compose de glucides non transformés et riches en fibre. Riz, banane plantain, manioc, noix et fruits représentent ainsi la base des repas. S’y ajoutent des protéines animales – cochon sauvage, tapir et capybara par exemple. Piranhas et poisson-chat font souvent une apparition dans le menu. Enfin, 38 grammes de graisses sont absorbés par jour mais les graisses saturées ne représentent que 11 grammes.
La modernité menaçante
C’est donc sans surprise que les chercheurs ont observé l’absence de décès par infarctus au sein des villages Tsimane. L’inflammation, en revanche, est élevée chez la moitié des volontaires. « L’inflammation est courante chez les Tsimane, mais pas associée à un risque accru de maladie cardiaque, et peut être la conclusion de nombreuses infections », estime le Pr Randall Thompson, cardiologue au Saint Luke's Mid America Heart Institute (Etats-Unis).
Mais le mode de vie occidental, de plus en plus présent chez les Tsimane, menace cette exception mondiale. Le tabac, par exemple, est un facteur de risque cardiovasculaire majeur. « Au cours des cinq dernières années, de nouvelles routes et l’introduction de canoës motorisés ont augmenté l’accès au marché de la ville voisine de manière marquée, et donc l’achat de sucre et d’huile de cuisson », ajoute le Dr Ben Trumble, de l’université d’Etat de l’Arizona (Etats-Unis). Des éléments qui viennent interférer avec le mode de vie traditionnel des Tsimane, et qui pourraient leur coûter leur si bonne santé cardiovasculaire.