Les mesures d'isolement et de contention en service psychiatrique doivent être limitées et réservées à des situations très spécifiques. Ce lundi, la Haute Autorité de Santé émet des recommandations afin d’homogénéiser les pratiques en France et de limiter les abus, maintes fois dénoncés par les services d’inspection de ces établissements.
En France, 400 000 personnes sont hospitalisées chaque année dans des établissements et services psychiatriques, rappelle la HAS dans son rapport. « Les épisodes de violence des patients hospitalisés, lorsqu'ils surviennent, affectent autant les professionnels que les patients ».
Pas toujours justifiées
Le sujet est délicat, prévient la HAS. « Il concerne à la fois le respect des libertés individuelles et la sécurité des personnes, le patient lui-même ainsi que les tiers ». Les données restent lacunaires, mais « des signaux montrent qu'il y aurait trop de mesures d'isolement et de contention », et qu'il faut en réduire le nombre en précisant le cadre d’application de ces mesures. Ainsi, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et le Comité européen pour la prévention de la torture pointent depuis plusieurs années au fil de leurs rapports un usage non systématiquement justifié de ces mesures.
La HAS rappelle donc que l'isolement et la contention ne doivent être mis en œuvre que dans des situations précises, pour des patients hospitalisés en soins sans consentement en psychiatrie. « Il doit s'agir de faire face à un danger important et imminent pour le patient ou autrui. Ce sont des techniques de dernier recours, après échec de mesures alternatives, la priorité étant de prévenir les épisodes de violence », peut-on lire.
Ne pas "punir ou humilier"
L'utilisation de la contention et de l'isolement ne peut avoir lieu que pour une durée limitée, après une évaluation du patient, sur décision du médecin présent. Si celui-ci n'est pas psychiatre, la confirmation de cette décision par un psychiatre doit intervenir dans l'heure. De plus, la HAS précise que la contention ne peut être mise en place que dans le cadre de l'isolement.
Elle rappelle que l'objectif de ces mesures ne peut en aucun cas être de « punir, humilier ou établir une domination sur des patients ou de résoudre un problème organisationnel comme un manque de personnels ». Enfin, la HAS encourage les établissements de santé à aménager des espaces d'apaisement dans les unités de soins afin de constituer une étape supplémentaire de désescalade avant l'isolement et la contention.
12 heures d'isolement
Par ailleurs, les mesures d'isolement et de contention doivent faire l'objet d'une fiche particulière de prescription du suivi de la décision devant figurer dans le dossier du patient. La HAS souligne qu'au moment de la mise en place de la mesure d'isolement (suivie éventuellement d'une contention), « il est indispensable de donner au patient des informations claires sur les raisons de ces mesures et les conditions permettant leurs levées ».
À l'initiation de la mesure d'isolement, l'indication est limitée à 12 heures (6 heures pour la contention). Si l'état de santé du patient le nécessite, la décision et la fiche de prescription doivent être renouvelées dans les 12 heures (6 heures pour la contention). En cas de prolongation, la décision et la fiche de prescription doivent être renouvelées toutes les 24 heures. Les isolements de plus de 48 heures et les contentions de plus de 24 heures doivent rester exceptionnels.
Surveillance accrue
« La mise en place d'une mesure d'isolement doit être effectuée dans des conditions de sécurité suffisantes pour le patient et l'équipe de soins dans un lieu dédié adapté, un espace d'isolement qui permette le repos et l'apaisement. La contention mécanique doit être faite dans cet espace. Enfin, il est primordial que le patient en situation d'isolement ou de contention bénéficie d'une surveillance accrue avec au minimum deux visites médicales toutes les 24 heures ».
La recommandation de la HAS concerne les personnes en soins sans consentement. Le cadre du recours aux mesures d'isolement pour des patients en soins libres est toutefois abordé : « il ne peut être qu'une exception, n'être utilisé que dans les situations d'urgence et à titre dérogatoire ». Cette mesure vise à garantir la sécurité du patient en soins libres, le temps de résoudre la situation d'urgence ou de transformer son régime de soins.
Evaluer, rapporter
La HAS souligne que ces mesures doivent être levées, sur décision médicale, dès que leur maintien n'est plus cliniquement justifié. Il doit alors être proposé au patient d' « analyser l'épisode avec les membres de l'équipe médicale de façon rétrospective ». Cette analyse devra être tracée dans le dossier du patient. L'équipe médicale réalisera également un travail d'analyse visant à améliorer ses pratiques et ses processus de décision.
Enfin, comme la loi santé le prévoit, chaque mesure d'isolement ou de contention devra être recensée dans un registre en préservant l'anonymat du patient. Ce registre mentionnera le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, sa date et son heure, sa durée et le nom des professionnels de santé ayant surveillé le patient. Il devrait à terme permettre un meilleur recueil de données relatives à ces pratiques.