Désinformer les femmes via Internet pour les dissuader d’avorter, c’est officiellement interdit. Le Conseil Constitutionnel a validé l’extension du délit d’entrave aux supports numériques. Les « pro-life » qui s’enchaînaient hier aux grilles des établissements de santé pratiquant l’IVG et qui œuvrent aujourd’hui sur le Web seront donc soumis à la loi et à ses sanctions, pouvant atteindre deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.
Saisis par 60 sénateurs et 60 députés qui estimaient que le texte contrevenait à la liberté d’expression, les Sages ont estimé que le fait de désinformer ne relevait pas d’une telle liberté. Avec toutefois deux réserves, qui pourraient donner du fil à retordre aux tribunaux lorsqu’ils examineront les futures affaires.
Les sites anti-IVG protégés
« La seule diffusion d'informations à destination d'un public indéterminé sur tout support, notamment sur un site de communication au public en ligne, ne saurait être regardée comme constitutive de pressions, menaces ou actes d'intimidation (…) sauf à méconnaître la liberté d'expression et de communication », écrivent les Sages.
En d’autres termes, les sites anti-IVG ne tomberont pas sous le coup de la loi, ce qui vide en partie de sa substance la portée du texte. Ces sites pourront rester sur la Toile. Seule les « actes ayant pour but d'empêcher ou de tenter d'empêcher une ou plusieurs personnes déterminées de s'informer sur une interruption volontaire de grossesse ou d'y recourir » pourront être réprimés.
Les numéros d'appel visés
Ce qui mène à la deuxième réserve du Conseil Constitutionnel, pour qui le délit d’entrave ne peut être retenu que si l’élément répréhensible relève d’une « information » et non d’une « opinion », afin de ne pas nuire à la liberté d’expression. Enfin, il faut que « cette information porte sur les conditions dans lesquelles une interruption volontaire de grossesse est pratiquée ou sur ses conséquences, et qu'elle soit donnée par une personne détenant ou prétendant détenir une compétence en la matière ».
Ici, les Sages visent les lignes d’appel ou les contacts SMS, bref, toutes les relations de personne à personne au cours desquelles l’une délivre des informations biaisées à l’autre sur « les conditions » et « les conséquences » de l’IVG, en faisant valoir ses propres connaissances.
A l’origine de la loi, Laurence Rossignol s’est réjouie de la validation du texte par le Conseil Constitutionnel et de ces deux réserves. « Comme cela a toujours été dit, les nouvelles dispositions visent bien les pressions morales et psychologiques exercées pour tenter de dissuader les femmes de recourir à une IVG. Elles ne portent nullement atteinte au droit d’exprimer une opinion hostile à l’IVG ».