Etre un gros dormeur expose à un risque accru de démence, rapporte une étude publiée fin février dans Neurology. Les chercheurs de l’école de médecine de l’université de Boston ont observé que les personnes dormant plus de 9 heures par nuit ont un risque multiplié par 2 de développer ce syndrome neurologique dans les 10 ans qui suivent.
Ces travaux se sont appuyés sur l’une des plus grandes et plus anciennes cohortes, dite de Framingham. Dans cette petite ville non loin de Boston, les habitants volontaires et leur descendance sont suivis depuis 1947. A l’origine, l’objectif était d’évaluer l’effet du cholestérol sur les maladies cardiovasculaires comme l’accident vasculaire cérébral ou l’infarctus du myocarde. C’est à partir des années 1980 que les participants ont été surveillés, en continu, pour diagnostiquer l’apparition de démence.
Pour les besoins de cette étude, plus de 2 000 participants âgés en moyenne de 72 ans ont été questionnés sur leur sommeil, et en particulier le nombre d’heures passées à dormir chaque nuit. Ils ont ensuite été suivis pendant 10 ans. Au cours de cette période, 234 personnes ont développé une démence, dont la maladie d’Alzheimer.
Le poids des inégalités sociales
« Les volontaires non-bacheliers qui dorment plus de 9 heures par nuit ont 6 fois plus de risques de développer une démence dans les 10 ans que les volontaires dormant peu, a indiqué le Pr Sudha Seshadri, neurologue et auteur de l’étude. Ces résultats suggèrent qu’avoir un bon niveau d’éducation protège contre la démence même en cas de longues nuit ».
De fait, l’étude met en avant que les moins diplômés sont les plus vulnérables. Un résultat qui confirme une étude parue en février 2016 menée elle aussi sur la cohorte Framingham. Une équipe de l’université de Bordeaux/Inserm et de l’université de Boston avait montré une baisse continue de 20 % des nouveaux cas de démence depuis les années 1950 mais seulement chez les personnes ayant un haut niveau d’étude. Les chercheurs supposaient alors que les études supérieures pouvaient jouer un rôle protecteur.
Changement de rythme soudain
Ces récents travaux apportent tout de même une bonne nouvelle : si vous avez toujours été une marmotte, vous ne présentez pas un risque accru d’être atteint de la maladie d’Alzheimer. De même, les petits dormeurs ne sont pas exposés à un risque moins important. En fait, ce qui doit inquiéter est le changement de rythme, expliquent les auteurs. Si un adulte a toujours eu besoin de 6 heures de sommeil, mais qu’en vieillissant il n’arrive pas à sortir de son lit, cet excès de sommeil s’avère être un symptôme de la démence et non pas la cause.
Les scientifiques pensent que ces longues nuits de sommeil sont un signe précoce des altérations cérébrales responsables de la maladie. Ainsi, se mettre un réveil ou boire des litres de café pour écourter ses nuits n’est d’aucune utilité.
« L’auto-déclaration des durées de sommeil peuvent être un outil clinique utile pour prédire le risque de développer une démence dans la décennie suivante, a commenté le Dr Mathhew Pase du département de neurologie de l’université de Boston. Les patients rapportant de longues nuits de sommeil devraient bénéficier d’une évaluation et d’un suivi de leurs capacités intellectuelles ».
Les auteurs suggèrent que la surveillance des troubles du sommeil permettrait une détection précoce de la déficience cognitive et de la démence. Ce diagnostic précoce permettrait ainsi la mise en place d’un accompagnement et d’une prise en charge thérapeutique assurant une meilleure qualité de vie aux patients et leurs familles.