La tuberculose est une maladie qui se fait rare en France. En 2015, un peu plus de 4 700 cas ont été déclarés. La baisse du nombre de diagnostics se poursuit. Une bonne nouvelle quelque peu tempérée par l’émergence de souches résistantes aux traitements antituberculeux. Le phénomène est tel qu’il met en péril l’objectif d’éradication de la maladie en 2035, fixé par l’Organisation Mondiale de la Santé.
Ce sombre constat est dressé par le Pr Jérôme Robert, chercheur au Centre national de référence des Mycobactéries et de la Résistance des Mycobactéries aux Antituberculeux (CNR-MyRMA). Dans le dernier Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (BEH), il dresse le bilan de la résistance en 2015. Elle reste peu fréquente mais la tendance est inquiétante. Dans le monde, un demi-million de formes multi-résistantes sont détectées chaque année.
Un pronostic moins bon
L’étude menée par le Pr Robert se penche sur 1 472 cas de tuberculose diagnostiqués en 2015. Parmi les personnes jamais traitées, 9 % étaient porteuses d’une souche capable de résister à au moins un traitement de première ligne, et 3 % d’une souche multi-résistante.
Les mycobactéries coriaces sont bien plus présentes chez les personnes qui ont déjà consulté pour une tuberculose : 18 % abritent une souche multi-résistante – donc capable de survivre à l’isoniazide et la rifampicine.
« La résistance à un des deux antituberculeux majeurs a un impact négatif sur le devenir du malade et les tuberculoses avec bacilles résistants à la rifampicine ont un moins bon pronostic que les tuberculoses à bacilles sensibles », explique le Pr Jérôme Robert, contacté par Pourquoidocteur.
80 cas résistants par an
Le profil des patients porteurs d’une mycobactérie résistante n’est guère surprenant : ce sont surtout des hommes, originaires dans 9 cas sur 10 d’un autre pays que la France. Or, « une bonne partie de l’augmentation de la résistance est expliquée par le fait qu’une proportion plus importante de malades tuberculeux diagnostiqués en France vient de pays où la résistance est plus importante, comme les pays de l’Est », développe le Pr Robert.
Car les formes résistantes de tuberculose sont en hausse, cela ne fait aucun doute. Jusqu’en 2011, 30 à 80 cas multi résistants étaient signalés chaque année. Désormais, 80 constitue la fourchette basse des cas qui sont rapportés aux autorités sanitaires. La cause principale de ce phénomène ? Le mauvais suivi du traitement qui permettrait de se débarrasser des mycobactéries. « Le traitement est long, six mois pour une tuberculose à bacilles sensibles, et contient plusieurs antibiotiques », rappelle le Pr Robert. L’arrêter trop tôt favorise donc la sélection de souches mutées résistantes.
Une pilule au lieu de quatre
Mais n’accuser que les patients serait excessif. « Dans certains pays du Sud, la mauvaise qualité des médicaments sur le marché entre en cause », poursuit Jérôme Robert. Non-respect des dates de péremption ou des conditions de conservation, mais aussi qualité de la production sont autant de problèmes auxquels font face les pays défavorisés.
Une fois cette résistance développée, sa transmission est relativement simple. La tuberculose est extrêmement contagieuse. « Une personne contact pourra alors faire une tuberculose à bacille d’emblée résistant, sans jamais avoir reçu auparavant d’antibiotiques, illustre le Pr Robert. Plus il y aura de cas à bacilles résistants, plus il y aura de transmission. »
Pour autant, briser le cercle vicieux n’est pas impossible. Cela passe par un système de santé sans faille, capable de détecter rapidement et d’isoler les cas contagieux et de proposer un traitement adapté. Selon Jérôme Robert, les CNR revêtent un rôle majeur mais l’offre thérapeutique doit aussi évoluer. Il propose ainsi de rassembler « tous les antibiotiques dans une même pilule. Le malade ne peut pas en arrêter un seul et donc pas de risque d’erreur qui favorise la résistance quand seulement un des 3 ou 4 antibiotiques est pris », résume le chercheur.