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Haute autorité de santé

Diabète de type 2: des objectifs sur mesure pour la glycémie

Par Mathias Germain

Dans ses recommandations, la Haute Autorité de santé reconnaît que les objectifs glycémiques doivent être mieux adaptés au profil du patient. 

David Proeber/AP/SIPA

Etre diabétique de type 2, c’est vivre avec un objectif en tête : réduire le plus possible le taux de sucre dans le sang, la glycémie. Un indicateur phare est sous la surveillance des médecins, l’indice d’hémoglobine glyquée (HbA1c), un repère qui permet d’ajuster les traitements. Chez une personne non diabétique, ce taux est compris entre 4 et 6%.  La règle d’or était de faire baisser le plus possible ce taux chez les diabétiques, afin de les faire passer sous le seuil fatidique des 6,5 %. « Lower is better », disaient les spécialistes dans les congrès médicaux. Et cette règle était reprise dans les recommandations.

Mais ce dogme est en train de tomber. « Pour la plupart des patients diabétiques de type 2, l’objectif glycémique recommandée est d’avoir un taux d’HbA1c inférieur ou égale à 7% »,  a indiqué ce jeudi la Haute Autorité de santé. Ces nouvelles recommandations dans la stratégie médicamenteuse du contrôle glycémique du diabète de type 2 sont issue des travaux d’un groupe de travail à la HAS qui a passé en revue toutes les données connues sur la maladie.
« Le point majeur de ces recommandations, c'est d'individualiser le plus possible les objectifs en fonction de l'état du malade, précise le professeur de médecine générale, Hector Falcoff, qui a coprésidé le groupe de travail à la HAS. 
Ainsi, pour les personnes dont le diabète est nouvellement diagnostiqué, dont l’espérance de vie est supérieur à 15 ans, et sans antécédant cardio-vasculaire, un objectif inférieur ou égal à 6,5% reste recommandé. Mais cet objectif doit changer au cours du temps, l'idée, c'est qu'il ne faut plus le maintenir coûte que coûte ».

Cette évolution des recommandations s'appuie sur les résultats de plusieurs études qui ont montré que trop faire baisser le taux d'HbA1c pouvait être contre productif, voire dangereux pour les malades. L'étude ACCORD en 2008 a montré que les décès augmentaient chez les malades traités intensivement pour faire baisser l'hémoglobine glyquée, rappelle le Pr Hector Falcoff. « C’est une mesure de bon sens, c’est plus conforme au risque, l’hypoglycémie sévère peut être mortelle chez le diabétique coronarien, explique le Dr Philippe Cornet, généraliste à Paris et qui a fait partie du comité de relecture de ces recommandations de la HAS. Les études sur la réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire ont montré qu’on était plus efficace avec des scores d’HbA1c aux alentours de 7. »
Ce chiffre n’est qu’un repère. « La recommandation n'est pas binaire, la gamme des gris doit supplanter l’alternative blanc ou noir, plus de 7 ou moins de 7», souligne le Pr André Grimaldi, diabétologue, ancien chef de service à la Pitié Salpétrière.

« Ces nouvelles recommandations sont plus en lien avec la vraie vie, explique Claude Sokolowski, responsable de la maison du diabète de Saint Maur des Fossés, membre de l’association française du diabète (AFD), qui a participé au groupe de travail de la HAS. C’est une bonne nouvelle car parfois les médecins fixent objectifs inatteignables,
Il n’y a pas si longtemps, raconte-t-il, une dame de plus 80 ans est venue nous voir  paniquée parce que son médecin tenait absolument à ce que son seuil d’hémoglobine glyquée soit inférieur à 6,5%, alors qu’il était déjà autour de 7%. C’était inutile de lui compliquer la vie, de lui ajouter des médicaments pour qu’elle atteigne cet objectif… »

Ecouter Claude Sokolowski, membre de l’AFD. « C’est tout à fait important d’arriver à des cibles plus raisonnables, et d’éviter les cascades médicamenteuses. »

 

Les médicaments  à utlliser
Pour atteindre l’objectif glycémique, le groupe de travail  de la HAS a choisi quatre critères : les données de morbi-mortalité, l’effet sur le taux d’HbA1c, les critères de tolérance, de sécurité et de coût. Résultat : la metformine est le médicament de première intention en monothérapie, et l’association metformine plus sulfamine est la bithérapie à privilégier.
Ensuite, l’insuline est le traitement de choix lorsque les traitements oraux et non insuliniques ne permettent pas d’atteindre l’objectif glycémique. « La règle, c'est de ne pas se jeter sur la nouveauté, précise le Pr Hector Falcoff. Avec les molécules plus anciennes nous avons plus de recul en terme de tolérance et de sécurité, nous pouvons mieux évaluer la balance bénéfices/risques. Les molécules récentes peuvent paraître plus séduisantes sur le plan physiopathologique mais on s'aperçoit ensuite que leur profil de tolérance ou de sécurité n'est pas optimum. Ainsi, plusieurs molécules ont perdu leur AMM ou leur indication dans le diabète en raison de leurs effets secondaires ». 

Les règles hygiéno-diététiques indispensables
«Mais les médicaments ne sont qu'un des trois piliers de la lutte contre la maladie, rappelle le Pr Hector Falcoff. Une stratégie médicamenteuse n'a pas de sens sans un effort sur l'alimentation et sans une pratique régulière de l'activité physique, ce ne serait qu'une dangereuse fuite en avant ».  
Ainsi, le respect des règles hygiéno-diététiques est « un préalable indispensable avant tout traitement médicamenteux »,  rappellent les experts de la HAS. Repas à heures régulières, menus allégés, petits extras à calculer et à compenser systématiquement...

Et l'activité physique est plus que conseillée : une étude publiée en 2006 a démontré une diminution moyenne de 0,6 % de l’hémoglobine glyquée chez les diabétiques qui font de l'exercice physique (endurance), à raison de 3 fois 1 heure par semaine, sur une durée de 2 à 12 mois. « Là aussi, toutes ses règles doivent se définir entre le malade et le médecin en partenariat », ajoute le Pr Hector Falcoff. C'est la clé pour faciliter l'observance du malade car il n'est pas facile d'avoir une hygiène de vie irréprochable, 24 heures sur 24, 365 jours par an… Mais l’enjeu est important pour les 2,7 millions de diabétiques de type 2 traités en France. C’est le seul moyen d’éviter de tomber dans le cercle infernal des complications.

En France, le diabète chronique est la première cause de cécité avant l’âge de 65 ans, et le responsable d’un tiers des insuffisances rénales traitées par dialyse. « La principale difficulté est là », reconnaît Claude Sokolowski, diabétique depuis 40 ans, qui aimerait que l'éducation thérapeutique soit plus soutenue en France.