Alors que la France est souvent enviée pour la performance de son système de santé, « les difficultés d’accès aux soins demeurent », déplore ce mardi la CNAM (1). Elle rappelle pourtant que cet accès est garanti par la Constitution et donc reconnu comme un droit.
En chiffres, une étude menée dans 18 départements par l’Observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore) révèle que plus d’un quart des assurés interrogés dans les accueils de l’Assurance maladie seraient concernés par ces situations.
Les raisons du renoncement
Les travaux menés par l'Assurance maladie en coopération avec l’Odenore ont permis de mettre des constats clés en lumière. D'une part, les raisons financières constituent un frein majeur à l’accès aux soins (trois fois sur quatre). D'autre part, une partie des assurés est en attente d’explications voire d’orientation dans un système de protection maladie et de soins perçu comme « complexe ». Ainsi, seules 22 % des personnes éligibles à l’aide au paiement d'une complémentaire santé (ACS) avaient fait valoir leur droit en 2011.
Face à cette situation inquiétante, la CNAM martèle ce mardi que le renoncement aux soins est devenu « un défi » qui concerne la collectivité dans son ensemble. Il est, selon elle, « source d’inégalités et de dépenses supplémentaires à moyen et long termes ». Elle veut désormais être pro-active en la matière en sortant de son rôle habituel de guichet qui délivre des droits ou des prestations.
La CNAM généralise ses solutions...
Elle annonce donc ce mardi le déploiement progressif d'un nouveau dispositif de lutte contre le renoncement aux soins. Lancé sous forme d’expérimentation depuis novembre 2014, il va être généralisé à l’ensemble du territoire à travers trois vagues successives du 1er avril 2017 à la mi-2018.
« Si les mesures nationales sont essentielles, la lutte contre le renoncement aux soins doit également s’appuyer sur un travail de proximité d’identification et d’accompagnement qui n’est effectif que sur le terrain. C’est pourquoi je considère nos actions locales comme un élément structurant dans la mise en œuvre de nos engagements en faveur de l’accès universel aux droits et aux soins », a indiqué Nicolas Revel, directeur général de la CNAM.
... au plus près des assurés
Concrètement, lorsqu’une difficulté d’accès aux soins est repérée, la réponse de l’Assurance maladie consiste en un accompagnement à trois niveaux : un bilan exhaustif des droits aux prestations intégrant une explication approfondie de leurs usages (allant jusqu’à l’accompagnement dans la bonne utilisation du chèque ACS) ; une orientation dans le système de soins (par exemple comment trouver un gynécologue ou bien où s’adresser pour effectuer un bilan de santé) ; et enfin, un accompagnement au montage financier. Celui-ci peut être construit le cas échéant par cofinancement de plusieurs partenaires pour faire face à des restes à charge insurmontables pour la personne.
Et pour arriver à un zéro renoncement aux soins, le CNAM compte sur toutes les bonnes volontés. Les agents des caisses ont tout d'abord été formés à détecter, lors de leurs échanges avec les assurés, leurs éventuelles difficultés de santé. Et le dispositif repose sur une coopération étroite avec les autres acteurs du tissu local, autrement dit les professionnels de santé, les collectivités territoriales, ou encore les hôpitaux, et les organismes complémentaires. « Ce sont eux, et non l’assuré, qui saisissent l’Assurance maladie de ces situations problématiques », conclut cette dernière.
L'exemple de la CPAM de la Somme
Contacté par Pourquoidocteur, Jean-Yves Casano a déjà expérimenté cette solution dans la Somme depuis un an. Et le directeur de la CPAM du département est satisfait des premiers résultats récoltés. « Plus de 400 personnes sont maintenant suivies de façon personnalisée. La moitié d'entre elles ont pu accéder à de nouveaux soins grâce à leur inclusion dans le dispositif. Et le taux de CMU progresse aussi de façon régulière », détaille-t-il.
Seul bémol rapporté, 75 personnes n'ont pas poursuivi l'expérience. « Mais un travail à venir avec des sociologues de l'université d'Amiens devrait bientôt expliquer quels ont été les freins à la continuité du suivi ». « Pour ces gens-là, le soin est souvent le dernier de leurs soucis. Ils pensent d'abord à comment payer leur logement, le chauffer, se nourrir, et à s'insérer socialement. C'est une hypothèse forte que l'on doit conforter », conclut Jean-Yves Casano.
(1) Caisse Nationale d’Assurance Maladie.