Le 17 avril s’ouvrira à Marseille le procès des dirigeants de la société Poly Implant Prothèse, accusés d’avoir sciemment rempli les implants mammaires qu’ils commercialisaient avec un gel silicone frelaté à l’origine de rupture des prothèses et d’infections.
Au delà de la fraude reprochée à la société de Jean-Claude Mas, l’affaire PIP a révélé les lacunes de surveillance des dispositifs médicaux. L’organisme allemand Tüv Rheinland, qui a délivré pendant 10 ans aux prothèses PIP leur label de conformité à la réglementation européenne, était pourtant l’un des plus réputés d’Europe. Mais entre les visites d’audit prévues d’avance, l’évaluation du processus de fabrication sur dossier papier et l’absence de tests sur les produits, l’organisme certificateur, qui a depuis porté plainte pour escroquerie contre l’entreprise PIP, n’a rien vu.
Entre temps, la situation a-t-elle vraiment changée ? « L’après-PIP » fait l’objet ce vendredi d’une table-ronde débat à l’occasion des 4e Etats-Généraux des infections nosocomiales et de la sécurité du patient organisés à Paris par l’association de lutte contre les infections nosocomiales, Le Lien.
Avant l’été, les sénateurs Chantal Jouanno et Bernard Cazeau avaient pointé dans le rapport de la mission d’information du Sénat, mise en place après le scandale des prothèses mammaires PIP « une réglementation trop laxiste pour être une garantie de sécurité ».
« Les évolutions sont en cours », répondent d’une même voix les autorités sanitaires françaises. Pour les dispositifs médicaux comme pour les médicaments, c’est en effet à l’échelon européen qu’il faut agir, ce qui n’est pas vraiment un facteur d’accélération. La Commission européenne a soumis en septembre dernier au Parlement deux propositions de règlements qui devraient remplacer les directives actuelles d’ici 2015 à 2019.
« Les textes vont dans le sens d’un renforcement des contrôles des organismes certificateurs, d’une harmonisation du niveau d’exigence entre tous les pays européens et d’une plus grande collaboration entre les autorités sanitaires de chaque pays », indique le Pr Jean-Michel Dubernard, président de la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux au sein de la Haute autorité de santé (Has).
Sans attendre l’évolution de la réglementation européenne, l’Agence nationale de sécurité du médicament (Ansm) est déjà engagée dans l’après PIP. Avec ses homologues européennes, elle participe cette année à une série d’audits des 90 organismes certificateurs répartis dans l’UE et chargés de délivrer la norme CE, le label de commercialisation des dispositifs médicaux. Chaque audit sera mené par des évaluateurs de 2 nationalités différentes au minimum.
Parmi les plusieurs centaines de milliers de dispositifs médicaux qu’elle a la charge de surveiller, du plus banal des pansements à la plus perfectionnée des valves cardiaques, l’Ansm a ciblé 5 catégories à risque. Il s’agit des implants mammaires, des prothèses de hanche et de genou, des pace-makers et des valves cardiaques. En pratique, cela signifie que depuis fin 2012, les fabricants de ces 5 types de dispositifs sont prioritairement audités par l’organisme certificateur français et inspectés de façon inopinée par l’Ansm L’agence française dispose toutefois de moins de 10 inspecteurs qui réalisent une centaine d’inspection par an, quand les 5 catégories à risque représentent déjà 52 fabricants différents.
« La sécurité passe aussi par l’évaluation scientifique de l’efficacité des dispositifs médicaux, explique le Pr Dubernard. Et là aussi, les règles sont de plus en plus exigeantes ». Depuis 2012, un dispositif médical ne doit plus être implanté à un patient à l’hôpital si il n’a pas été évalué par la Haute autorité de santé. Auparavant, les hôpitaux pouvaient par exemple acheter des prothèses de hanche à l’industriel offrant les tarifs les plus avantageux sans que la Has n’ait évalué ces prothèses par rapport aux autres existantes.
Si les autorités sanitaires françaises affirment qu’elles ont déjà commencé à tirer les leçons de l’affaire PIP, chacun reconnaît tout de même l’ampleur de la tâche restant à accomplir, pour renforcer la sécurité sans réduire à néant les possibilités d’innovation indispensables pour développer les dispositifs implantables de demain. « A moyen terme, il nous faudra une véritable agence européenne des dispositifs médicaux, espère Jean-Michel Dubernard. C’est indispensable pour harmoniser les niveaux d’exigence et mutualiser les moyens de surveillance et d’évaluation ». L’exemple du médicament ne prête pas forcément à tant d’optimisme. Une agence européenne est déjà à l’œuvre et pour le moment force est de constater qu’elle ne nous a pas vraiment épargné des scandales sanitaires.