La Guyane est en grève générale depuis le 27 mars, et le mouvement se poursuit. Après les barrages, une marche avait été organisée à Cayenne, le chef-lieu, et Saint-Laurent-du-Maroni, deuxième ville du département. Le gouvernement avait finalement cédé sur l’envoi d’une délégation de ministres. Mais ni les excuses de la ministre des Outre-mer, Ericka Bareigts, ni la proposition d'aide financière débloquée (un milliard d'euros) par Paris n'ont convaincu. « Nous exigeons 2,5 milliards d'euros tout de suite », a répondu un des négociateurs. Le montant de 85 millions alloué à la santé a, par exemple, été jugé trop faible.
Pour illustrer la situation de délabrement dans lequel se trouve ce secteur, plusieurs habitants de Cayenne ont posté, durant le week-end, sur les réseaux sociaux des photos du centre hospitalier Andrée Rosemon (CHAR) pour sensibiliser les politiques mais aussi les métropolitains sur l'état de l'établissement de soins. « Accepteriez-vous un hôpital dans cet état à Beauvais, à Montauban ou à Vannes ? Comment pouvons-nous l'accepter à Cayenne », interpelle ainsi un Guyannais dans un tweet. « Les eaux usées des toilettes de l’orthopédie coulent dans les chambres de réanimation », raconte pour sa part un médecin à l'Agence France-Presse.
Accepteriez-vous un hôpital dans cet état à Beauvais, à Montauban ou à Vannes? Comment pouvons-nous l'accepter à Cayenne? Solidarité #Guyane pic.twitter.com/3OgchHCssd
— Fred David (@fredavrick) 3 avril 2017
Beaucoup d’évacuations sanitaires
250 000 Français vivent dans ce département, à 7 000 km de la capitale. Mais le système de soins y est sous-développé. Côté hôpital, 7 établissements hospitaliers – dont deux publics – prennent en charge la population. En 2014, ils n’offraient que 380 lits pour 100 000 personnes. C’est deux fois moins qu’en métropole.
Or, le territoire de permanence des soins de Cayenne est le plus vaste de France. Et affirmer qu’il est sollicité à l’extrême relève presque de l’euphémisme. « On manque énormément de spécialistes, confirme à Pourquoidocteur Félix Ngomba-Wongola, médecin généraliste à Cayenne. Nous, généralistes, faisons de notre mieux pour pallier ce manque, et on redirige vers l’hôpital lorsque c’est possible. »
Mais même à l’hôpital, le manque est flagrant. Neurochirurgiens, cancérologues, diabétologues… la liste des professions absentes ou en tension est longue. Résultat : « on fait beaucoup d’évacuations sanitaires vers la métropole et les Antilles », selon le Dr Ngomba-Wongola.
Mise sous tutelle en 2016
La Cour des Comptes a fait le bilan sur la santé en outre-mer en 2014. Il fait froid dans le dos. Les Sages de la rue Cambon décrivent le secteur hospitalier comme « l’armature du dispositif de soins ». Mais l’armature manque de solidité. Peu de ressources humaines, manque d’investissement matériel, absence de services : voici quelques unes des failles pointées par le rapport.
Il n’y a qu’à observer les deux principaux centres hospitaliers pour se convaincre de l’ampleur du problème. Saint-Laurent-du-Maroni accueille une des plus grandes maternités de France. Mais le service n’a été rénové qu’en 2014. L’hôpital de Cayenne, quant à lui, a été placé sous tutelle en mars 2016.
60 millions d'euros
Les réclamations ont été en partie entendues. Dans un communiqué paru ce 29 mars, la ministre des Affaires sociales et de la Santé et la ministre des Outre-mer, Marisol Touraine et Ericka Bareigts, ont annoncé des aides financières destinées aux hôpitaux de Guyane. Le CHAR de Cayenne recevra ainsi 20 millions d'euros, débloqués en urgence, afin de « reconstituer sa trésorerie et régler ses dettes courantes sans tarder ». L'établissement pourra aussi compter sur 40 millions d'euros pour investir et moderniser ses outils et locaux.
Les autres centres hospitaliers ne sont pas en reste. A Kourou, la Croix-Rouge a accepté de ne pas céder les locaux à un opérateur privé. Reste à définir une solution viable pour l'établissement.