Il y a quelques années, l'Assurance maladie martelait dans une des ses campagnes : « les antibiotiques, c'est pas automatique ». A bon escient visiblement. Même si depuis leur première utilisation au milieu du 20ème siècle, ils ont permis de faire de nombreux progrès dans le traitement des maladies infectieuses bactériennes, leur usage massif et inapproprié est responsable de l'apparition de résistance à ces médicaments. Mais ce n'est pas le seul effet délétère de ces produits lorsqu'ils sont sur-utilisés.
Selon une étude publiée ce mercredi, les personnes qui ont consommé trop d'antibiotiques au cours de leur vie présentent ensuite plus de polypes. Il s'agit de petites lésions bénignes de la paroi de l'intestin qui peuvent à long terme évoluer en cancer.
Une étude sur plus de 16 000 femmes
Pour ces travaux parus dans l'une des revues du British Medical Journal (BMJ), des scientifiques américains (1) ont sélectionné 16 600 femmes américaines de plus de 60 ans ayant effectué au moins une coloscopie. Parmi elles, 1 195 ont développé des polypes, ou adénomes colorectaux.
Les auteurs rapportent que celles qui avaient été traitées par des antibiotiques pendant au moins deux mois cumulés entre 20 ans et 39 ans avaient 36 % de probabilité en plus d'avoir des polypes dans le colon ou le rectum, par rapport à celles moins traitées par antibiotiques.
L'âge accroît le risque
Et chez les femmes ayant reçu des antibiotiques pendant au moins deux mois entre 40 et 59 ans, la fréquence des polypes était 69 % plus importante. « Cette étude constate une situation statistique mais n'établit pas de lien de cause à effet entre la consommation d'antibiotiques et l'apparition des polypes », avertissent cependant les auteurs.
Cela d'autant plus qu'ils précisent n'avoir pas assez pris en compte l'effet des habitudes alimentaires des femmes concernées dans l'apparition des polypes, ni l'impact éventuel des traces d'antibiotiques dans leur alimentation, issues des traitements donnés aux animaux d'élevage.
Un tel lien serait « une explication biologique plausible », avancent-ils néanmoins. En effet, ils rappellent que les antibiotiques altèrent la flore intestinale, en diminuant le nombre et la diversité des bactéries qui y sont présentes, et qu'ils réduisent la résistance aux infections.
Une association à confirmer
« Ces données viennent s'ajouter à d'autres études récentes sur le rôle joué par la flore intestinale (microbiote) dans l'apparition des cancers digestifs », explique dans un communiqué Sheena Cruickshank, immunologiste à l'université de Manchester (Angleterre), qui n'a pas participé à l'étude.
Mais la chercheuse reste aussi prudente en concluant que les antibiotiques restent « des médicaments essentiels pour traiter les infections bactériennes et, lorsqu'ils sont prescrits et utilisés correctement, ils peuvent sauver la vie ».
(1) Majoritairement issus de la Harvard Medical School et de la Harvard TH Chan School of Public Health, à Boston.