C'est ce qui s'appelle être victime de la double peine. Le Défenseur des droits rend publique ce mardi une étude sur « Les pratiques médicales et dentaires, entre différenciation et discriminations ».
Réalisée sous la direction de Caroline Despres et Pierre Lombrail, ce travail a pour objectif de recueillir le point de vue des praticiens libéraux sur la prise en charge des patients vivant dans des conditions de précarité.
L'étude s'est appuyée sur une analyse de discours d'un total de 50 professionnels de santé comprenant des chirurgiens-dentistes, des médecins généralistes et spécialistes. Et les résultats récoltés sont la preuve d'un dérive de la part de certains professionnels.
Des refus de soins
L'étude montre tout d'abord que la catégorie des patients « CMUs » est largement utilisée dans les discours des praticiens. D'après les auteurs du rapport, elle est même devenue une autre manière de nommer les personnes en situation de précarité...
Le groupe des « CMUs » peut aussi être associé par les médecins à des préjugés. Et pas des moindres : soupçon de fraude, surconsommation de soins, absentéisme, retards fréquents... La liste est longue !
De manière plus globale, les personnes précaires sont vues comme des patients « par nature » difficiles à soigner. Ces comportements « attendus » sont appréhendés de manière négative par les praticiens et servent parfois à justifier des refus de soins.
Et des discriminations graves
Elles constituent pourtant des situations de discriminations prohibées par la loi. L'article L. 1110-3 du code de la santé publique qualifie en effet le caractère illégal de tels refus : « aucune personne ne peut faire l'objet de discriminations dans l'accès à la prévention ou aux soins ».
Concrètement, les discriminations peuvent prendre la forme d'un refus permanents ou ponctuels. Elles peuvent également s'exprimer de manière plus insidieuse : réorientation systématique d'un patient vers un autre praticien ou à l'hôpital, délais d'attente anormalement longs, entente entre praticiens de ne pas s'adresser des bénéficiaires soit de la CMU-C, soit de l'aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS) ou de l'aide médicale de l'État (AME).
En réaction, le Défenseur des droits a ouvert en décembre 2016 plusieurs enquêtes suite à des informations mentionnées sur des sites Internet concernant les pratiques de certains médecins n'acceptant pas les bénéficiaires de la CMU ou de l'AME. Dans la foulée, le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) a annoncé qu'il allait saisir ses chambres disciplinaires. L'étau se resserre sur ces médecins dans l'illégalité...