Ce liquide transparent, jaunâtre, et très volatil, est prisé des lieux festifs. Il faut dire qu’avec leurs effets euphorisants et désinhibants, les poppers ont de quoi enthousiasmer les fêtards. Mais cette substance psychoactive n’est pas sans risque, et des ophtalmologues britanniques le rappellent dans le British Journal of Ophtalmology. Elle est associée à des dégâts rétiniens chez les utilisateurs récurrents de la substance.
Une équipe du Sussex Eye Hospital de Brighton (Royaume-Uni) met directement en cause le principe actif des poppers : le nitrite d’isopropyle, qui a remplacé un produit cancérigène.
Des tâches noires
Le Royaume-Uni a revu sa législation en 2016, bannissant toute production et vente de substances psychoactives. A l’exception des poppers, qui n’agissent pas sur le système nerveux central. Mais le nitrite d’isobutyl, jusqu’ici utilisé, est interdit. Les fabricants le remplacent alors par du nitrite d’isopropyl, jugé moins dangereux. A tort. Car depuis cette substitution, les ophtalmologues ont constaté une hausse des pertes d’acuité visuelle chez les usagers.
Ici, les médecins du Sussex Eye Hospital se sont concentré sur le cas de 12 hommes, âgés de 31 à 59 ans, traités entre 2013 et 2016. Tous étaient adeptes de poppers sur une base régulière. L’un d’entre eux en prenait même depuis plus de 20 ans. Ses symptômes ne sont apparus qu’après le changement de législation, affirme-t-il. Et ceux-ci ne sont pas mineurs.
Le plus souvent, l’utilisation de poppers est suivie de troubles de la vision centrale et de tâches noires. Ces signes peuvent durer jusqu’à plusieurs jours après l’inhalation du produit. Un participant a même développé un scotome central – c’est-à-dire une perte de la vision au centre du champ visuel. Il n’est apparu qu’après l’utilisation de produits contenant du nitrite d’isopropyl.
Un constat similaire en France
Le constat des Britanniques est simple : après analyse chimique de 8 marques différentes, 6 d’entre elles contiennent du nitrite d’isopropyl. Toutes sont associées à une baisse de vision. Celle-ci reste réversible, puisque la plupart des patients ont vu les symptômes régresser dans les mois suivant l’arrêt des poppers.
En France, le constat est similaire. De nouveau autorisés à la vente depuis 2013, les produits contiennent eux-aussi du nitrite d’isopropyle. Dans un point d’information, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) signale que 883 cas d’exposition ont été déclarés entre 1999 et 2010. Parmi eux, 34 concernaient des atteintes oculaires « se traduisant principalement par une baisse d’acuité visuelle ».
Réévaluer les poppers ?
Le phénomène n’est pas ignoré des usagers : sur différents forums sont signalés des risques de troubles visuels – dont des baisses d’acuité. Les poppers augmentent aussi la pression interne de l’œil, signalent-ils. Mais ces risques ne sont pas évalués à l’échelle nationale. Les auteurs de cette étude plaident donc en faveur d’une réévaluation de ces drogues récréatives.
« Si les dommages rétiniens peuvent disparaître avec l’arrêt de l’utilisation, les symptômes peuvent se prolonger, et les effets visuels d’un usage chronique des nouvelles marques ne sont pas connus », rappellent-ils. En l’état, la prudence semble donc de mise.