Chaque année, 10 000 personnes choisissent de mettre fin à leur existence. A ces décès s’ajoute le nombre colossal de tentatives de suicide. Tous les ans, 200 000 Français tentent de se supprimer. Et pourtant, la prévention de ces actes est à la peine dans le pays. Mieux comprendre ce qui pousse ces personnes à de telles extrémités, c’est justement l’objectif d’une équipe de l’hôpital Bichat-Claude-Bernard (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris). Elle publie, dans Psychiatry Research, une étude détaillée sur le profil des patients suicidaires.
Des réponses nuancées
Ces travaux se penchent sur le cas de 168 personnes admises aux urgences psychiatriques parisiennes après une tentative de suicide. Si les motifs sont variés, un élément ressort : dans un cas sur deux c’est un conflit ou une déception amoureuse qui a accéléré le passage à l’acte. Sans surprise, autant de patients ont reconnu des pensées suicidaires au cours du mois précédent.
Pour autant, tous ne souffrent pas de dépression sévère. Cette maladie a été diagnostiquée chez 53 % des personnes admises aux urgences, et seuls 3 % souffraient de symptômes psychotiques.
Difficile d’expliquer ce qui pousse quelqu’un à mettre fin à ces jours. Cette étude fournit toutefois un aperçu des facteurs de risque, à commencer par le désir de mourir. Lors d’une première tentative de suicide, ce sentiment est souvent motivé par une crise personnelle et augmente considérablement la probabilité d’être hospitalisé directement en service psychiatrique.
Face à une récidive, les choses sont plus nuancées. Le souhait d’en finir avec la vie n’a pas de lien avec le nombre de tentatives. D’ailleurs, seul un tiers des participants ont exprimé une telle inclination.
Un groupe hétérogène
D’autres facteurs, relevant de la vie quotidienne, jouent en revanche un rôle prépondérant dans le risque de récidive. Le chômage, par exemple, triple la probabilité de tenter de mettre fin à ses jours à plusieurs reprises. Tout comme l’âge, le passé psychiatrique a un poids majeur sur le nombre de tentatives. Plus de la moitié des participants ont déjà été suivis par un spécialiste et davantage ont reçu des traitements à des fins psychiatriques. Ceux-ci sont trois fois plus à risque de récidive que les autres.
Mais ce sont bien les personnes qui ont séjourné dans un service de psychiatrie par le passé qui sont les plus exposées aux tentatives multiples. Le risque est multiplié par quinze après une hospitalisation de ce type.
Les réalités sont donc variées pour les patients suicidaires, ces travaux le rappellent. Leurs auteurs soulignent d’ailleurs que ces personnes ne doivent pas être considérées comme un groupe homogène. Ce n’est qu’à ce prix que la prévention pourra être adaptée et efficace.