La maladie porte le nom d’un organe reproducteur féminin. Mais elle est loin de s’y cantonner. Dans 9 cas sur 10, l’endométriose s’étend à différentes zones du corps – dont celles chargées de la digestion. C’est ce qu’on appelle une endométriose profonde. La seule solution, aujourd’hui, reste une chirurgie lourde et invasive.
Aux Hospices Civils de Lyon (Rhône), une équipe de gynécologues tente d’alléger la prise en charge des atteintes digestives. Son arme ? Un appareil à ultrasons indiqué dans le cancer de la prostate. Le Pr Gil Dubernard, en poste à l’hôpital de la Croix-Rousse (Lyon), a adapté son usage pour traiter les lésions endométriosiques au niveau du rectum. Les tests sont en cours mais les résultats intermédiaires sont encourageants.
10 jours d’hospitalisation
Environ une femme sur dix souffre d’endométriose en France. La maladie, qui se caractérise surtout par des douleurs pendant les règles, touche régulièrement les intestins et le rectum. C’est une des atteintes les plus fréquentes : elle touche une patiente sur cinq. Les symptômes se traduisent par des diarrhées ou des constipations, mais aussi par un besoin fréquent d’aller à la selle. En cause, le tissu de l’endomètre qui migre durant les règles, formant des lésions douloureuses sur d’autres organes.
Pour réduire ces douleurs, une seule solution à l’heure actuelle, la chirurgie. Pendant plus de 4 heures, les médecins coupent ou rasent les lésions. L’intervention peut aller jusqu’à l’ablation d’un segment du rectum. Résultat : 10 jours d’hospitalisation et 6 semaines d’arrêt de travail. Dans un cas sur deux, la patiente doit même garder un anus artificiel plusieurs mois. Dans ces conditions, « on essaie globalement d’aller vers une prise en charge la moins agressive possible », explique le Pr Gil Dubernard.
Un nodule chauffé à haute température
Ce traitement moins agressif se présente sous la forme d’une machine à ultrasons déjà utilisée en France. « Cette sonde par voie endorectale est utilisée par les urologues pour traiter les cancers de la prostate », précise le gynécologue lyonnais. Le système – FocalOne – est introduit plus haut dans le rectum mais le mécanisme est le même : les ultrasons sont dirigés sur la lésion. Chauffée à haute température, elle se détruit.
« Imaginez que vous êtes dans un immeuble de cinq étages, illustre Gil Dubernard. Avec l’ascenseur, vous vous arrêtez aux différents étages et vous tirez dans chaque pièce, à 5 à 15 reprises. » La machine est automatisée et calcule la fréquence nécessaire pour induire la mort cellulaire. Dévitalisé, le nodule se transforme en zone fibreuse non douloureuse.
Un groupe restreint
Pour l’heure, cinq patientes ont intégré l’essai mené aux Hospices Civils de Lyon. A terme, cinq autres pourront bénéficier de cette technique. Les critères d’inclusion ont d’ailleurs été assouplis. D’abord réservés aux femmes de 35 ans et plus n’ayant plus de projet de grossesse, les ultrasons pourront être proposés aux patientes de 25 ans et plus qui n’ont pas prévu de grossesse dans le trimestre suivant leur prise en charge.
Les cas restent rares puisque le Pr Dubernard réserve le traitement aux femmes qui n’ont que des atteintes digestives. « Cela représente 5 à 10 % des patientes », chiffre-t-il. Mais à terme, le gynécologue espère élargir son champ d’action. L’idée est de profiter d’une coelioscopie destinée aux lésions gynécologiques pour traiter, dans un second temps, les lésions digestives. Quitte à traiter les récidives. Car les résultats sont là : les patientes n’ont plus besoin de médicaments ou de régime alimentaire spécifique depuis l’intervention.
Un endomètre artificiel pour comprendre la maladie
La muqueuse qui tapisse les parois de l’utérus est encore méconnue du milieu médical. Mais l’endomètre pourrait bientôt livrer ses secrets, grâce à une équipe de l’université de Cambridge (Royaume-Uni). Ils sont parvenus à créer un modèle artificiel en miniature, qualifié d’organoïde. Il est capable de fonctionner comme son équivalent humain. Maintenu en culture pendant plusieurs mois, l’endomètre miniature exprime une activité génétique correspondant aux attentes des chercheurs, et réagit à une exposition aux hormones sexuelles féminines. Ces résultats, publiés dans Nature Cell Biology, pourraient s’avérer précieux pour la recherche. En effet, il serait possible de mieux comprendre les premiers stades de la grossesse mais aussi les mécanismes menant à l’endométriose.