En Mayenne, les généralistes à la retraite reprennent du service. Le Conseil départemental de l’Ordre des médecins, en collaboration avec le département et la ville de Laval, ont fait appel à ces professionnels de santé pour lutter contre la désertification médicale.
Une quinzaine de médecins retraités collaboreront avec des internes en médecine générale dans cette maison pluridisciplinaire qui ouvrira ses portes en mai prochain. Ce projet expérimental devrait durer 3 ans. Le Dr François Dima, président de l’ordre des médecins de Mayenne et à la tête de ce projet, espère que cette initiative amènera les jeunes générations à s’installer dans le département.
Comment est né ce projet ?
Dr François Dima : Nous avons eu cette idée il y a deux ans devant notre pénurie de médecins et le non accès aux soins de plus en plus de patients. Nous avons recherché les ressources médicales que nous pouvions mobiliser, et la seule qui nous est apparue a été les médecins retraités. L’idée du projet est de répondre non seulement à une urgence mais aussi d’être structurant pour l’avenir, c’est pour cette raison que nous avons pris contact avec la faculté de médecine d’Angers pour accueillir des internes en fin de formation.
La structure sera considérée comme le médecin traitant vis-à-vis des caisses d'Assurance maladie. Il est évident que certains patients essaieront de revoir les mêmes médecins mais le médecin de famille est une notion qui est malheureusement amenée à disparaître. C’est l’évolution de la médecine qui veut ça. Mais ce sont des patients qui sont dans une telle détresse ! Qui ont arrêté des traitements, parfois lourds, ou ont dû se faire dépanner par le pharmacien moult fois alors qu’il n’a pas le droit. C’est une solution qui va répondre à une attente importante de la population.
Ecoutez l'intégralité de l'entretien avec le Dr François Dima :
Pourquoi avoir fait appel à des médecins retraités ?
Dr François Dima : Car nous n’avons pas de médecins. Les derniers chiffres de la caisse d’Assurance maladie montrent que sur Laval et sa petite couronne, 10 000 patients sont sans médecin traitant. Notre département aurait besoin de 120 nouveaux médecins du jour au lendemain si on se réfère à la moyenne nationale. Or aujourd’hui nous sommes 500 médecins en activité, nous avons donc un gros déficit dans tous les domaines médicaux.
Le centre accueillera-t-il des généralistes et des spécialistes ?
Dr François Dima : Dans un premier temps, il n’y aura que des médecins généralistes retraités depuis moins de 5 ans qui travailleront dans le centre. Mais dans un second temps pourquoi pas. Nous avons déjà reçu des propositions de médecins spécialistes pour y travailler. C’est un projet nouveau et innovant qui est compliqué à mettre en route, donc nous préférons y aller par étape. Mais c’est une hypothèse que l’on garde en tête.
Comment expliquez-vous l’engouement de vos confrères ?
Dr François Dima : La première des raisons tient essentiellement à la façon de travailler dans ce centre. On ne leur propose pas de faire un quart-temps ou un mi-temps mais de travailler quand ils le veulent. Il y aura un planning de garde, et les médecins s’arrangeront entre eux de sorte qu’il y ait toujours des médecins.
Et puis vous savez les médecins de la vielle génération sont nostalgiques quand ils quittent leur patientèle, donc avoir la possibilité de travailler de temps et temps est une idée qui les a séduit. Ils vivent aussi très mal le fait que des patients n’aient pas accès aux soins.
Et du côté de la jeune génération, qu’en pense-t-on ?
Dr François Dima : Cela ne leur pose aucun problème puisque cela ne va pas à l’encontre de leur exercice. On espère qu’on arrivera à en faire un terrain séduisant qui leur donnera envie de rester à Laval ou dans le département. En outre, la maison de santé va petit à petit devenir pluridisciplinaire. On est très en avance dans notre département sur ce sujet là. Et c’est vraiment la demande des jeunes.
Pensez-vous que ce modèle de maison de santé puisse être adopté sur d’autres territoires ?
Dr François Dima : C’est un projet qui est potentiellement départemental, c’est-à-dire que dans les zones qui souffrent du manque de médecins on peut imaginer ouvrir d’autres consultations. Il faut bien comprendre que ce projet n’est pas une réponse aux problèmes de la démographie médicale. C’est une réponse temporaire à une situation d’urgence devant laquelle nous sommes très démunis. Ce n’est pas l’avenir de la médecine de faire retravailler les retraités mais on sait que dans les 7 à 10 qui viennent la situation va être très compliquée dans de nombreux départements, et la seule solution pour que la population ait accès aux soins de premiers recours sera de faire appel à nos retraités.