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Gonococcies, syphilis, sida

Flambée des infections sexuellement transmissibles

Par Afsané Sabouhi

Les Ist sont en forte hausse depuis septembre 2012, alerte une équipe du CHU de Marseille. Il y a urgence à changer de méthodes de prévention, en particulier dans la population gay.

ALFRED/SIPA

« Dès le mois de septembre, nous avons vu qu’il se passait quelque chose. Notre système de surveillance en temps réel a détecté 10 fois plus de cas d’infections à gonocoques que l’année dernière à la même époque », raconte le Pr Didier Raoult, à la tête du laboratoire de microbiologie des hôpitaux de Marseille. Depuis le mois de septembre, la recrudescence de cette infection sexuellement transmissible (Ist) familièrement baptisée « chaude-pisse » se confirme et concerne également la syphilis et le VIH. Par rapport à la période 2005-2011, le laboratoire marseillais a observé fin 2012 une multiplication par 10 du nombre de cas de gonococcies, par 2,7 pour les cas de syphilis active et un quasi doublement des nouvelles infections par le virus du sida.


Ecoutez le Pr Didier Raoult, directeur du laboratoire de microbiologie des hôpitaux de Marseille : « Cette augmentation très rapide des gonococcies est un marqueur inquiétant de la multiplication des rapports sexuels non protégés »



La situation marseillaise n’est pas un cas isolé. La France, comme ses voisins européens, est confrontée depuis plusieurs années à une augmentation du nombre d'Ist et qui semble s’accélérer très nettement depuis quelques mois. Aux Etats-Unis, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies ont même profité de la Saint-Valentin la semaine dernière pour alerter les Américains sur les 19,7 millions de nouvelles IST contractées en 2012 et sur leur coût annuel estimé à 16 milliards de dollars. Car si la gonococcie et la syphilis peuvent être rapidement traitées par antibiotiques, le VIH impose un traitement antirétroviral à vie.


Le temps du tout préservatif est dépassé
La quasi totalité des nouvelles infections détectées dans les hôpitaux de Marseille concerne des hommes jeunes. L’augmentation constatée des IST est le reflet assez logique du relâchement dans l’usage du préservatif particulièrement marqué dans la population homosexuelle masculine.
« Il est illusoire de penser que l’on va arrêter les nouvelles contaminations par le VIH chez les gays uniquement avec une politique de prévention basée sur le préservatif », souligne Bruno Spire. Pour le président de l’association de lutte contre le Sida Aides, ces nouveaux chiffres confirment l’urgence à rendre accessibles les autres outils de prévention.
C’est le cas notamment de la prophylaxie pré-exposition ou PrEP qui consiste à donner, dans des populations à haut risque de contamination, un traitement antirétroviral préventif pour éviter l’infection par le VIH. Aux Etats-Unis, les autorités sanitaires ont donné le feu vert à cet usage préventif en juillet dernier. « En France, ce n’est pas toujours pas le cas », regrette le président de Aides.
L’Agence nationale de recherche sur le Sida mène actuellement l’essai clinique Ipergay pour déterminer s’il serait efficace de prendre ce traitement antirétroviral préventif de façon ponctuelle juste avant et après les rapports sexuels à risque. Pour Bruno Spire, sans attendre les conclusions de l’essai Ipergay, les autorités sanitaires pourraient déjà infléchir la courbe des nouvelles infections par le VIH en autorisant l’accès à cette bithérapie préventive. « On ne parle pas de remplacer le préservatif comme outil de prévention en population générale, on parle d’une petite population de gays très exposés qui ne l’utilisent pas et pour qui il faut penser une autre prévention », poursuit-il.


Ecoutez Bruno Spire
, président de l’association Aides : « La seule réponse des autorités sanitaires est le jugement sur les comportements à risque au lieu d’apporter les solutions existantes, c’est scandaleux ! »  



Un autre mode de limitation de la transmission de l’infection serait de mettre les séropositifs qui le souhaitent plus tôt sous traitement antirétroviral. C’est le concept que les experts ont baptisé TasP pour treatment as prévention, le traitement comme prévention. « Quand on prend un traitement, on réduit de 99% le risque de transmettre le virus. Aux Etats-Unis, les experts viennent donc de recommander de traiter tous les séropositifs sans attendre que leur système immunitaire soit très atteint », précise Bruno Spire.


Mais qu’il s’agisse de traiter préventivement des séronégatifs ou précocement des séropositifs, encore faut-il connaître son statut sérologique. Les spécialistes et les associations plaident donc pour davantage de dépistage, notamment grâce aux tests rapides et au dépistage proposé à tous par les médecins généralistes. Mais là encore, les associations s’impatientent de voir les modes de dépistage innovants comme les tests rapides véritablement soutenus par les pouvoirs publics. Face à la banalisation du sida, la prévention doit se renouveler et se diversifier pour regagner en efficacité. Le tout préservatif a fait son temps.