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Développement émotionnel

Câlins : les bienfaits thérapeutiques du peau-à-peau

Par Marion Guérin

C’est prouvé : les câlins sont nécessaires au bon développement physiologique et comportemental de l’humain. Tour d’horizon des sciences et des pratiques.

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Le geste est instinctif. Serrer dans ses bras un petit corps tout juste né, un être minuscule qui ne semble prédéterminé à rien. Un gros câlin. Voici donc la clé de l’épanouissement humain, la voie royale qui mène au développement physiologique et comportemental de l’Homo Sapiens. Câlinez votre bébé et il vous le rendra en grandissant : moins malade, moins anxieux, plus heureux.

Là, vous vous dites peut-être que la psychologie de bas étage a triomphé. Que nenni. En néonatalogie, scientifiques, médecins, infirmiers, sages-femmes, tous tendent à faire du câlin la pierre angulaire des soins. Pas exclusive, bien sûr, mais réellement nécessaire. Donnez tous les traitements du monde à un bébé qui vient de naître avec difficulté – prématuré, malade… - s’il n’a pas son câlin, il s’en portera beaucoup moins bien.

Mieux que la méthadone

Il vous faut des preuves. Partons donc aux Etats-Unis. De plus en plus d’hôpitaux embauchent des « câlineuses ». Des personnes qui ont du temps et de l’amour en stock, et une épaule confortable sur laquelle reposer les corps délicats des bébés qui viennent de naître et qui n’ont personne – nourrissons nés sous X, « bébés secoués », enfants de personnes héroïnomanes qui se sont tant abîmées qu’elles ne peuvent plus cajoler…

Ces programmes se développent partout sur le territoire. L’hôpital de Boston a ainsi recueilli plus d’une centaine de candidatures de câlineurs bénévoles. Là-bas, il s’agit d’alléger les symptômes du sevrage chez les bébés nés dépendants aux opiacés - hyperexcitabilité, troubles digestifs et respiratoires… Leur tuteur affectif les couvre de mots doux, de berceuses et de tendresse. Et ça marche, mieux que la méthadone, disent les soignants.


Peau à peau

Dans les services de néonatalogie, les toutes petites créatures sont placées dans des couveuses en plexiglas. Elles y restent parfois de longues semaines et manquent cruellement de contacts. Chaque année dans le monde, 15 millions d’enfants naissent avant terme. La rupture, faite souvent dans l’urgence, menace la construction du lien entre la mère et l’enfant.

C’est là que le câlin s’avère salvateur, et plus particulièrement le peau-à-peau, aussi appelé « méthode kangourou ». Cette pratique consiste à porter le nouveau-né sur le torse de la mère ou du père, à même la peau donc. Elle est née dans une maternité de Bogota, en Colombie, confrontée au manque de couveuses. Les prématurés, incapables de réguler leur température corporelle, étaient en danger. Les pédiatres ont alors imaginé une solution toute simple : blottir les enfants contre leur mère pour qu’elles les réchauffent.

Des décennies plus tard, les scientifiques ont voulu évaluer les bienfaits réels de ce contact chaleureux. Dans une étude publiée dans la revue Pediatrics, ils ont montré que les enfants prématurés ayant bénéficié du « peau-à-peau » avaient deux fois plus de chances d’atteindre leur 20ème anniversaire que ceux qui n’ont reçu que les soins standard. A l’âge adulte, ils étaient moins agressifs, impulsifs, hyperactifs ou stressés que leurs camarades. Ces jeunes adultes présentaient également un volume cérébral plus important que les autres, signe d’un bon développement du cerveau. Les chercheurs évoquent des bénéfices sur le plan social tant que comportemental et physiologique.

Le câlin, ce pain quotidien

En fait, cela fait un certain temps que l’homme se penche sur l'utilité précise du câlin. En 1948, le psychiatre René Spitz* publiait ainsi des travaux sur la question avec ces observations cliniques : dans le cadre d’une hospitalisation d’un enfant en bas âge (jusqu’à un an et demi), en l’absence de contact maternel ou de substitut pendant six mois, l’enfant développait des carences affectives manifestées par des troubles psychiques et des altérations physiques progressives.

Premier mois : pleurs incessants ; deuxième mois : perte de poids, anxiété, insomnies ; troisième mois : refus du contact et de l’alimentation… Si la restitution à la mère n’intervenait pas avant six mois, ces symptômes pouvaient conduire à un retard moteur parfois irréversible. Ce que l‘on observait dans un moindre mesure chez les bébés ayant eu des contacts physiques avec leur mère pendant l’hospitalisation, explique Spitz.

L’idée, derrière ces travaux, est la suivante : pour se développer, l’Homme n’a pas seulement besoin de pain et de soins. Il lui faut de l’affection, que l’on peut matérialiser par des câlins et autres types d’interactions physiques. Et c'est aussi le cas des autres animaux. En 1960, une expérience a ainsi été menée sur des bébé singes, nourris mais isolés, privés de tout contact physique. Au final, les petits animaux n’avaient pas de retard de croissance mais se montraient agressifs : ils se griffaient, se cognaient la tête, se mordaient. Une fois placés avec leurs semblables, ils présentaient un comportement social parfaitement inadapté, anéanti.

Hormone de l'amour

Avec l’arrivée de l’imagerie cérébrale, la science du câlin s’est étoffée et les chercheurs ont fini pas isoler l’explication chimique à l’origine de ces bienfaits. Tout serait affaire d'ocytocine. Connue sous le nom de « l’hormone de l’amour », elle est sécrétée par l’hypothalamus et joue de nombreux rôles dans l’organisme. On la tient responsable de l’empathie, de l’altruisme et du sentiment amoureux chez l’humain. Pendant une relation sexuelle, sa production explose, tout comme lors de l’accouchement et l’allaitement, ce qui renforcerait le lien mère-enfant.

Or, la littérature montre que les câlins stimulent la production d’ocytocine, aussi bien chez la mère ou le père, et le bébé. C’est donc elle, qui renforce la santé mentale et physique de l’enfant et contribue à celle de l’adulte qu’il s’apprête à devenir. Elle qui ne demande, pour s’exprimer, qu’affection, embrassade, amour. Allez… dans mes bras !