Menacés par le succès de la cigarette électronique, les fabricants de tabac réagissent. Le groupe Philip Morris International (PMI) commercialisera le mois prochain en France un dispositif censé être 90 % moins nocif que la cigarette, d’après son créateur.
Son nom : iQos, pour « i quit ordinary smoking » (« j’ai arrêté le tabagisme ordinaire », en français). La compagnie américaine PMI y aurait investi plus de 2 milliards d’euros sur plus de dix ans, et promet au consommateur l’entrée dans une nouvelle ère du tabagisme.
Pas de combustion…
Ils appuient notamment leur arguments « santé » sur l’abandon de la combustion. Au lieu de brûler autour de 900 °C, le tabac est chauffé à 350 °C. « Ça a le gout du tabac chaud, explique une source chez Philip Morris pour Europe 1. L'odeur est la même que celle d'une usine de tabac ».
Le dispositif est déjà en vente au Japon, où il remporte un succès certain avec 7 % de parts de marché, mais aussi en Italie et en Suisse.
… mais du tabac
Pour l’instant, aucune étude indépendante sur le produit n’a été menée. Pour certains médecins, tout ce qui pourrait éloigner de la combustion est bon à prendre. En l’évitant, on diminuerait l’apport en monoxyde de carbone, en goudrons, en cadmium et autres éléments toxiques, qui font du tabagisme la première cause de mortalité prématurée au monde.
Mais d’autres, comme le Pr Bertrand Dautzenberg, pneumologue à la Pitié-Salpêtrière à Paris, rappellent qu’il s’agit bien de tabac. « Certes, les effets sont moins délétères que ceux des cigarettes traditionnelles, mais cela reste un produit du tabac qui contient des substances toxiques telles que les nitrosamines, insiste-t-il pour Pourquoidocteur. Elle est donc plus nocive que la vapoteuse ».
L’addiction toujours présente
Pour ce spécialiste de l'e-cigarette, l'iQos constitue surtout un moyen de promouvoir l'idée selon laquelle « on peut continuer à fumer sans nuire à sa santé ». « Il faut se placer des limites dans la réduction des risques. Sur le plan théorique, ça fonctionne, mais en pratique, ce n'est pas aussi simple ».
Le marché de la cigarette reste un marché de l’addiction. Et s’il limite l’apport des produits de la combustion, iQos n’en reste pas moins un pourvoyeur de nicotine. Sans parler des effets inconnus à moyen et à long terme, il pourrait être une prote d’entrée vers le tabagisme, et séduire les non-fumeurs.
Le marketing a été soigné. Le produit se présente sous la forme d’une petite cigarette, vendue sous la marque Heets, à insérer dans un tube qui la chauffe. Une petite boîte, qui ressemble à s’y méprendre à un smartphone, sert à le recharger. « Quant au design, rien à voir non plus avec la cigarette électronique, explique-t-on encore chez Philip Morris. Là, on n'a pas une gameboy dans les mains. C'est fin, épuré et plus stylé. »
« Ce produit est à mettre à la poubelle, appuie le Pr Dautzenberg. Mieux vaut ne rien prendre du tout, mais si on fume, les substituts nicotiques, la cigarette électronique ou les médicaments de prescription sont des modes de sortie. Mais là, c'est une fausse sortie du tabac. Ce sont les mêmes salades qu'on nous a raconté quand on est passé des cigarettes brunes aux blondes en disant que ça donnait moins de cancers de la trachée. C'est vrai, il y a moins de cancers de la trachée, mais il y a plus de cancers des bronches ».