En menant des recherches sur la fièvre jaune en Afrique, une équipe de chercheurs a fait une découverte tout à fait fortuite. Sur le continent, ils ont détecté le tout premier cas d’encéphalite japonaise chez un patient co-infecté par le virus de la fièvre jaune. Leurs travaux, publiés dans le New England Journal of Medicine, soulève des interrogations quant au risque de circulation de l’encéphalite japonaise en Afrique, alors que le virus était jusqu’ici confiné à l’Asie.
Les scientifiques, de l’Institut Pasteur de Paris et de Dakar, conduisaient une étude sur les caractéristiques génétiques du virus de la fièvre jaune qui a frappé l’Angola et la République démocratique du Congo en 2016. L’épidémie a provoqué 965 infections confirmées, au moins 350 morts et des milliers de cas suspects.
Cas autochtone
Or, au cours de leurs recherches, les auteurs ont identifié parmi les cas angolais un patient présentant une co-infection par le virus de la fièvre jaune et celui de l’encéphalite japonaise. Ce patient n’avait pas voyagé en dehors de l’Angola ; il s’agit donc d’un cas autochtone.
Cette observation « a surpris les scientifiques », peut-on lire dans un communiqué de Pasteur. Les deux virus sont transmis par des moustiques différents bien qu’apparentés, issus de la même famille des Flaviviridae (qui inclut également les virus de la dengue et Zika, notamment). Théoriquement, leurs zones de circulation ne se chevauchent pas.
Ainsi, alors que la fièvre jaune se retrouve uniquement dans des régions tropicales d'Afrique et d'Amérique du Sud, le virus de l'encéphalite japonaise (JEV) ne se propage qu’en Asie – du moins, le pensait-on.
Risques de circulation durable
« Si cette infection autochtone pourrait s’avérer être un cas isolé, la présence en Angola de moustiques vecteurs capables de transmettre le virus, ainsi que d'hôtes animaux (porcs, oiseaux aquatiques), pourrait cependant lui permettre de circuler plus durablement », s’alarment les chercheurs.
Ces travaux insistent sur la nécessité de réaliser au plus vite des études de surveillance sérologique, afin d’évaluer la part de la population angolaise potentiellement exposée au virus de l’encéphalite japonaise. Ceci, dans l’objectif d’adopter d’éventuelles mesures de lutte contre la maladie, comme l’organisation de campagnes de vaccination, et d’anticiper la probabilité d’une circulation du virus. Un vaccin efficace est disponible, rappellent les chercheurs ; en revanche, il n’existe pas de traitement.
Augmentation des échanges
L'augmentation actuelle des échanges de populations à l’échelle mondiale, entre l'Asie et l'Afrique par exemple, a déjà été associée à la diffusion de maladies infectieuses. « Les illustrations les plus récentes sont des cas importés de fièvre jaune ou de fièvre de la vallée du Rift en Chine ».
Cette découverte a été rendue possible grâce à des techniques de séquençage de nouvelle génération, non ciblées, expliquent les chercheurs. En ne ciblant que le virus de la fièvre jaune, l’équipe aurait pu passer à côté de cette co-infection. Les auteurs invitent ainsi à développer ces techniques « haut débit non ciblées » pour la surveillance des pathogènes, lesquelles réclament toutefois un effort technologique considérable.
3 milliards de personnes exposées
La transmission de l'encéphalite japonaise est endémique dans 24 pays de l’Asie du Sud-Est et du Pacifique occidental, rappelle l’OMS sur son site. Cela représente une population de plus de trois milliards de personnes exposées au risque.
La maladie touche principalement les enfants. La plupart des adultes des pays d’endémie sont naturellement immunisés après avoir été en contact avec l’infection pendant l’enfance. Les infections sont souvent bénignes (avec de la fièvre et des céphalées) ou sans symptômes apparents mais, dans environ un cas sur 250, elles entraînent une maladie grave. Le taux de létalité peut atteindre 30 % des cas symptomatiques.