La commercialisation du premier pancréas artificiel va débuter aux Etats-Unis, à la fin du mois d’Avril. Après des années d’essais, c’est une consécration pour les diabétiques de type 1, mais aussi pour ceux qui l’ont mis au point comme le Pr Eric Renard, de Montpellier (Hérault). Mais si notre pays a été leader dans ce domaine, il faudra encore attendre le remboursement des capteurs pour sa mise sur le marché sur notre territoire.
Le pancréas artificiel n’a rien à voir avec une greffe d’organe : c’est une pompe à insuline, qui est réglée en partie automatiquement en fonction de la glycémie. Celle-ci est mesurée grâce à un capteur mis sous la peau, qui transmet l’information à la pompe dotée d’un système de calcul qui va prédire l’évolution de la glycémie et donc envoyer une quantité appropriée d’insuline sous la peau.
Le Pr Eric Renard, chef du service de diabétologie au CHU de Montpellier et « père du pancréas artificiel », revient pour Pourquoidocteur sur ce dispositif.
Comment se passe la première pose de pancréas artificiel ?
Pr Eric Renard : Il faut tout d’abord former le «postulant», parce que le pancréas artificiel n’est pas à 100% automatique. Il y a donc un cursus éducatif pendant lequel les malades sont éduqués au fonctionnement de l’appareil. Après la pose, le patient est appelé chez lui tous les 2 jours pendant une semaine, puis la bride est lâchée avec la possibilité à tout moment d’appeler une équipe experte.
Plusieurs centaines de patients dans le monde ont participé aux essais et l’expérience montre que tout se joue dans les 10 à 15 premiers jours : les adultes acquièrent très vite le fonctionnement du système. Il est vrai que c’était des patients un peu particuliers car très impliqués et experts de leur maladie.
Et chez les enfants ?
Pr Eric Renard : Chez l’enfant, le diabète est très instable et donc plus difficile à équilibrer. Peu d’études ont été réalisées chez eux, dont certaines en France. Elles montrent que même si l’automatisme complet n’est pas encore atteint, les enfants tirent un bénéfice de l’appareillage et s’adaptent très vite à son fonctionnement.
Quelle est le point faible du système ?
Pr Eric Renard : C'est celui de toutes les pompes à insuline et de leurs cathéters : ils peuvent se boucher. Il suffit de les changer. Et puis il y a tout ce qui est lié à l’informatique avec, par exemple, des déconnexions entre le capteur et la pompe qui sont reliés par du Wifi rapproché. Mais l’important, c’est que la pompe ne va pas s’arrêter, elle va revenir au réglage du départ, donc il n’y a pas de risque d’acido-cétose.
Quant à la malveillance à savoir le piratage extérieur de la pompe, il est peu probable : en effet, le Wifi est à très courte distance, le hackeur potentiel devrait alors s’approcher de très près du malade pour tenter quoique ce soit. Par contre,si une connexion Web est faite, c’est différent. La FDA a prévu cette éventualité et a mis en place des protections.
A quand la mise sur le marché en France ?
Pr Eric Renard : Actuellement, le premier obstacle est le non-remboursement des capteurs qui devrait se résoudre sous peu. Ensuite, la mise sur le marché devrait aller très vite car les pompes sont déjà remboursées et l’ensemble ne demande donc pas d’autorisation particulière.
Quelle sera la prochaine étape de développement ?
Pr Eric Renard : D’abord, trouver des insulines d’action plus rapide est actuellement bien avancé. Ensuite, remplacer l’insuline par le glucagon, une autre hormone très performante de régulation de la glycémie. Mais cette recherche ne semble pas être une piste très fiable comme viennent finalement de le montrer de nombreuses études menées aux USA.
Enfin, la voie intra-péritonéale sera sans doute celle de l’avenir : le système est implanté, donc il n’y aura plus de système externe comme actuellement. Son principe est d’envoyer de l’insuline d’abord dans le foie qui est l’organe essentiel de production du glucose (actuellement elle est envoyée sous la peau, ndlr) ce qui permet des équilibres glycémiques remarquables, même sans capteur. On obtient là un vrai pancréas automatisé, sans la contrainte de la comptabilisation des glucides au moment des repas.
A Montpellier, nous sommes les premiers au monde à avoir développé ce type de pancréas artificiel qui équipe déjà une centaine de patients. C’est la plus grosse étude mondiale qui attire de plus en plus d’adeptes et de recherches, mais il faudra encore pas mal de temps et de budget pour aboutir à ce qui est vraiment un pancréas artificiel total.
Le système est très innovant par rapport aux pompes déjà existantes, car l’automatisme est presque complet : il fonctionne parfaitement bien durant la nuit, au repos et entre les repas. Les patients se lèvent le matin avec une glycémie idéale. Ce point est très important car si dès le matin la glycémie n’est pas équilibrée, ce déséquilibre persistera toute la journée.
Par contre au moment des repas, le malade doit reprendre la main : il doit informer la pompe de la quantité de glucides qu’il va consommer et celle-ci va alors lui proposer une certaine dose d’insuline qu’il validera.
Pourquoi ce semi-automatisme au moment des repas ? Parce que l’insuline envoyée sous la peau a un délai de réponse trop lent pour s’adapter à la quantité de glucides ingérés.
Il en est de même au moment de l’activité physique : le malade doit informer la pompe manuellement car la glycémie est très variable selon le type d’activité et selon les individus. Par exemple faire du tennis ou du squash va augmenter la glycémie, tandis qu’elle va baisser avec le vélo.