« Et si vous pouviez écrire directement grâce à votre cerveau ? ». L’introduction de Regina Dugan, l’une des responsables de Facebook, a de quoi laisser perplexe. Lors de la conférence F8, qui rassemblait les développeurs de l’entreprise américaine à San José, en Californie, les 18 et 19 avril derniers, elle a présenté l’un des projets de Building 8.
Ce groupe de travail sur des matériels innovants destinés à la communication réfléchit à une interface cerveau-machine, qui permettrait à l’utilisateur de remiser le clavier au placard. Il pourrait alors contrôler son ordinateur, sa tablette ou son smartphone par la pensée. Regina Dugan affirme que l’outil sur lequel les développeurs de la firme américaine planchent permettrait à terme de taper 100 mots à la minute, soit cinq fois plus que le débit d’écriture moyen sur mobile. « Ça paraît impossible, mais nous en sommes plus proches que vous ne le pensez », s’est-elle enthousiasmée.
Clavier, souris, et traducteur instantané
« Même une action aussi simple que de répondre par oui ou non, qui transformerait le cerveau en souris, serait un changement considérable, a-t-elle ajouté. À mon avis, un jour pas si lointain, il sera possible que je pense en mandarin, et que vous m’écoutiez en espagnol ». Grâce aux 60 personnes travaillant sur le projet, en association avec l’université John Hopkins, l’interface serait déjà capable d’identifier correctement huit mots à la minute.
Les outils cerveau-machine existent déjà, notamment pour les prothèses de bras, et fonctionnent en interprétant les ondes cérébrales pour les traduire en commandes. Mais ces dispositifs requièrent pour l’instant des équipements complexes, et une intervention chirurgicale pour implanter les électrodes dans le cerveau. Facebook mise quant à lui sur des systèmes non invasifs pour séduire le plus grand nombre. Mark Zuckerberg, le PDG du réseau social, a annoncé qu’il souhaitait « une technologie portable, qui puisse être produite à grande échelle ».
Entre faisabilité et dérives
Outre l’obstacle technologique, de tels développements, s’ils laissent rêveurs les plus connectés et ouvrent de nombreuses possibilités, soulèvent néanmoins des questions éthiques, notamment sur la vie privée. Comment s’assurer que Facebook, très friand d’informations personnelles, n’en profite pas pour se régaler d’un festin de pensées plus ou moins conscientes à des fins marchandes ? « Il n’est pas question de décoder vos pensées au hasard, a assuré Mme Dugan. Ce serait en savoir beaucoup plus que ce que veulent la plupart d’entre nous. Il s’agit de pensées que vous souhaiterez partager, de mots que vous avez décidé d’envoyer au centre du langage de votre cerveau. » Pas forcément rassurant…
Building 8 s’est donné deux ans pour mener à bien le projet. Un délai qui semble court, face à la tâche à accomplir. Mais avec les géants du numérique, qui disposent des cerveaux parmi les plus brillants et de ressources financières quasi illimitées, rien ne paraît vraiment improbable.