Pas de cancer, peu de signes de vieillissement, de maladies cardiovasculaires ou neurologiques… Le rat-taupe nu est certes extrêmement laid, mais ses capacités métaboliques sont exceptionnelles, et fascinent les scientifiques qui tentent de percer les mystères de ces super-pouvoirs qui lui assurent une longévité exceptionnelle de 30 ans (soit l’équivalent de 600 ans chez les humains) !
Dans un article publié ce vendredi dans la revue Science, des chercheurs des universités McMaster (Canada) et du Nebraska (États-Unis) lui ont découvert une nouvelle propriété étonnante : alors qu’une souris privée d’oxygène meurt en moins d’une minute, le rat-taupe nu peut survivre presque vingt fois plus longtemps !
« C’est une caractéristique exceptionnelle pour un mammifère », a expliqué Grant McClelland, physiologiste à l’université McMaster, l’un des auteurs de l’étude. Pour ces petits animaux originaires d’Afrique de l’Est, qui vivent dans des terriers au sein de colonies comptant jusqu’à 300 individus, et donc peu d’oxygène, cette adaptation au manque est aussi une question de survie.
Adaptation métabolique
Pour leur expérience, les chercheurs ont placé des souris et des rats-taupes nus dans un environnement privé d’oxygène. Alors que les premières ont rapidement suffoqué, le rythme cardiaque des rats-taupes s’est ralenti de 200 à 50 battements par minute, et les mammifères ont rapidement perdu connaissance. Mais après 18 minutes de privation, et une fois sortis de leur confinement, ils étaient encore capables de récupérer toutes leurs facultés.
Leur secret : la métabolisation du sucre. Chez les humains, comme chez la plupart des mammifères, la transformation du glucose en énergie implique un mécanisme faisant appel à l’oxygène. Sans apport oxygène, pas d’énergie, et les maigres réserves sont rapidement consommées, notamment au niveau du cerveau où les cellules finissent par mourir.
Sauvés par le fructose
Le rat-taupe nu a développé une stratégie inédite. En observant des modifications chimiques après privation d’oxygène, les chercheurs ont découvert des taux anormalement élevés de fructose et de saccharose dans le sang, ainsi que d’une molécule qui transporte le fructose vers les cellules, la GLUT5 et d’une enzyme permettant son utilisation. « Ensemble, ils permettent au rat-taupe nu de remplacer le glucose par le fructose comme carburant, quand il n’y a pas d’oxygène », résume Gary Lewin, physiologiste à l’université de l’Illinois à Chicago.
Quel intérêt pour la médecine humaine ? Les chercheurs espèrent pouvoir comprendre comment le petit mammifère opère ce changement métabolique, afin d’augmenter les chances de survie lors d’une attaque cardiaque ou cérébrale. Quand elle survient, le flux d’oxygène vers le cerveau est interrompu, causant des dommages irréversibles en quelques minutes. S’il était possible d’identifier le mécanisme et de le reproduire en urgence, ce délai pourrait alors être considérablement allongé, facilitant ainsi l’intervention des services sanitaires, et limitant les séquelles neurologiques.