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Pr Alain Fischer

Vaccination : Marisol Touraine ne tranchera pas sur l'obligation

Par Audrey Vaugrente

ENTRETIEN - La ministre de la Santé a lancé un chantier sur la politique vaccinale. A quelques jours du terme de son mandat, aucune évolution n'a eu lieu.

tonyoquias/epictura

C’était l’une des grandes attentes du mandat de Marisol Touraine : réconcilier les Français avec la vaccination. A l’heure où 4 Français sur 10 émettent des doutes sur leur sécurité, l'entreprise était ambitieuse. Elle n’a finalement pas abouti. Ce n’est pas par manque de temps.

La ministre de la Santé a confié, dès mars 2015, une mission à la députée Sandrine Hurel. Dans la foulée du rapport, elle crée une concertation citoyenne sous la houlette du Pr Alain Fischer, professeur d’immunologie pédiatrique.

L’objectif était clair : recueillir les avis des Français et statuer à partir de ces réponses. A l’issue des échanges, le comité a tranché. « La levée de l’obligation vaccinale est l’objectif à atteindre. » Mais avant d’y mettre fin, il faudra convaincre les Français « du bien-fondé de la vaccination ». C’était alors le 30 novembre 2016. Depuis, rien n’a vraiment changé.

A quelques jours du second tour de l’élection présidentielle, l’affaire semble réglée. Il est peu probable que Marisol Touraine engage une action. Pourquoidocteur fait le bilan avec le président de la Concertation citoyenne pour la vaccination, le Pr Alain Fischer.

Marisol Touraine peut-elle encore trancher ?

Pr Alain Fischer : Elle ne s’est pas encore exprimée. Dans la mesure où la fin du gouvernement approche, elle ne pourra pas aller au-delà d’une simple expression. Sur le plan politique, la discussion reprendra avec le prochain ministre de la Santé. Personnellement, je suis déçu du fait qu’il n’y ait pas eu de mesure mise en œuvre dans un délai raisonnable après la fin de cette concertation.

Néanmoins, je formule l’espoir raisonné que les choses bougent. Notre travail a permis une meilleure prise de conscience de la problématique de la vaccination. Il me semble que les acteurs de santé et les responsables ont été sensibilisés au sujet. Cela crée un terrain favorable. On peut donc envisager que les choses évolueront sous le prochain gouvernement, même si cela dépendra de sa composition.

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Pr Alain Fischer, professeur d'immunologie pédiatrique


La concertation a-t-elle été un coup d’épée dans l’eau ?

Pr Alain Fischer : Je ne pense pas. Cela n’a pas abouti à l’essentiel des mesures, mais quelques éléments ont été mis en place. Santé Publique France a lancé un site d’information très bien fait pour le grand public. C’est une mesure que nous avions préconisée, même si cela ne suffit pas.

On ne peut pas dire que le sujet soit mis entre parenthèses. L’attente est forte et les intervenants prêts à se mobiliser. Les professionnels de santé impliqués dans la vaccination se sont engagés. Cela laisse une trace, les gens sont sensibilisés. Cela va finir par avoir un impact.

La lutte contre l’hésitation fait-elle peur ?

Pr Alain Fischer : Il est clair qu’il n’y a pas eu d’action politique au sens strict depuis la présentation de nos recommandations. On peut penser que les pouvoirs publics hésitent face aux réactions qu’engendrerait une action déterminée en faveur de la vaccination. Mais j’ai le sentiment que, in fine, cela va se faire, avec un rythme plus lent que ce qu’on souhaiterait.
Il faut, évidemment, une action politique pour lutter contre l’hésitation vaccinale. Elle implique une série de mesures qui permette à la population de voire leurs réticences dissipées, mais aussi faire progresser la vaccination.

Appuierez-vous cette proposition auprès du prochain gouvernement ?

Pr Alain Fischer : Je me tiens à disposition de ceux qui seront au pouvoir demain, pourvu qu’ils soient raisonnables. Dans le cas contraire, on se situera dans un autre débat et la vaccination sera perdue avec d’autres sujets. Si Emmanuel Macron est élu, la possibilité d’en parler sérieusement, avec les gens en charge de la santé, existe. Le programme de ce candidat a mis l’accent sur la prévention, et la vaccination en fait partie. Cela me rend prudemment optimiste.

 

Retrouvez l'émission L'invité santé de Pourquoidocteur
Avec le Pr Alain Fischer, Hôpital Necker-Enfants malades,

diffusée le 24 février 2017