En France, l’asthme touche quatre à six millions de personnes ; ses formes les plus sévères tuent 1500 patients chaque année. La prévalence de la pathologie a explosé au cours des dernières décennies. Combien de cas doit-on à des environnements pollués, à des habitudes de vie inadaptées, à des logements mal protégés ? Au CHU de Rennes, des chercheurs ont fait le pari qu’il serait possible de réduire les symptômes les plus sévères à travers une mesure toute simple : améliorer l’environnement intérieur des patients.
Inspection du domicile
Une étude a été lancée, qui consiste à faire intervenir des conseillers en environnement intérieur (CEI) au domicile des personnes atteintes de formes graves d’asthme – ce qu’on appelle l’asthme « incontrôlé », qui gonfle les rangs des hospitalisations. Pendant deux heures, dans les maisons, les chambres, les coins et les recoins, le professionnel traque toutes les sources de nuisances et les gestes quotidiens qui aggravent les symptômes. L’intervention est prescrite par un médecin, une première fois au démarrage de l’expérimentation, puis une seconde fois douze mois plus tard.
« On cherche la présence d’acariens, de moisissures, d’animaux de compagnie, de plantes avec de la terre, on regarde la moquette, le sèche-linge, les polluants éventuels – notamment le formaldéhyde, un produit chimique que l’on trouve dans les environnements intérieurs et qui irrite les voies respiratoires… », explique Jean-Pierre Gangneux, spécialiste de la biologie médicale au Laboratoire de parasitologie-mycologie du CHU de Rennes, qui coordonne les travaux.
"Les messages ne passent pas bien"
A travers cette démarche, il s’agit de permettre aux patients de s’approprier des conseils qu’ils n’auraient peut-être pas entendus avec la même attention dans le bureau d’un médecin. « Le patient asthmatique non contrôlé, après une hospitalisation par exemple, va être suivi par un pneumologue, un allergologue, et recevoir un certain nombre de messages, poursuit le Pr Gangneux. Mais on est sur un échange d’une vingtaine de minutes, pendant lesquelles il peut être désorienté s’il sort de l’hôpital et avoir une moins bonne écoute. En fait, on réalise que ces messages ne passent pas très bien ».
D’où l’idée de se rendre directement sur place, pour faire « une sorte d’intrusion chez le patient » et mener un « véritable audit » de son chez-lui. A l’issue de la seconde visite du CEI, une consultation médicale permet d’évaluer les trois critères de cette étude : l’amélioration du contrôle de l’asthme, l’impact du passage du CEI et l’observance à ses recommandations, l’évolution de la consommation de soins et de la qualité de vie des patients.
Coûts et économies
Une soixantaine de personnes participent à cette étude, dont le recrutement s’achève cet été. A terme, il s’agit de déterminer si le recours aux CEI est « coût-efficace ». Une visite est facturée, en moyenne, 200 à 300 euros. « Mais c’est bien moins qu’une journée d’hospitalisation », fait remarquer Jean-Pierre Gangneux.
Si l'expérience est concluante, l’Assurance Maladie pourrait alors proposer cette prestation remboursée aux patients atteints de formes sévères d’asthme. « Certains hôpitaux ou associations de patients le font déjà ».
L’étude pilote qui sous-tend ces travaux a donné des résultats très satisfaisants, fait savoir le médecin. « Chez 78 % des patients qui avaient un contrôle inacceptable de leur asthme, on notait une nette amélioration après la visite des CEI, une baisse des hospitalisations l’année d’après et une diminution de la prise de corticothérapie par voie orale… C’était flagrant en terme d’efficacité ». Les résultats de ces travaux sont attendus au courant de l’année 2019.