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Prévention

La Cour des comptes épingle la politique vaccinale

Par Afsané Sabouhi

Alors que 400 millions d'euros sont investis chaque année, la politique vaccinale française manque d'une stratégie cohérente, dénonce la Cour des comptes. 

ROBERTS/NEWSCOM/SIPA

Après le fiasco de la campagne de vaccination contre la grippe H1N1, la Cour des comptes s’est penchée, à la demande des parlementaires, sur la stratégie nationale de vaccination. Son verdict, rendu public mercredi avec un rapport d’information du Sénat, est pour le moins critique. Dans son analyse, la Cour déplore le manque de cohérence de la politique vaccinale française. Ses résultats sont poliment qualifiés de « contrastés » au regard des 400 millions d’euros dépensés chaque année par la collectivité pour rembourser ces vaccins.

La loi de santé publique de 2004 fixait deux objectifs : 95% de la population vaccinée contre 10 maladies dont la tuberculose, la diphtérie, le tétanos, ou encore la coqueluche et 75% de vaccinés contre la grippe parmi les personnes à risque soit par leur âge (plus de 65 ans), leur santé (souffrant d’une affection de longue durée) ou leur métier (professionnel de santé).
Premier constat de la Cour, les données manquent pour vérifier si ces objectifs sont atteints. La Cour des comptes et le rapport sénatorial réalisé par le sénateur PS des Pyrénées-Atlantiques Georges Labazée préconisent donc la mise en place d’un carnet de vaccination électronique. Il permettrait à la fois de mieux suivre les taux de couverture vaccinale mais aussi d’accéder facilement aux évolutions des recommandations des autorités sanitaires, de notifier aux Français leurs rappels de vaccins par mail ou SMS …

Parmi les points noirs, une couverture vaccinale insuffisante contre la rougeole nous vaut aujourd’hui de concentrer 15% des nouveaux cas européens de cette maladie redevenue épidémique. Particulièrement concernés, les adolescents et les jeunes adultes, sont identifiés par la Cour comme l’une des cibles vaccinales les moins bien couvertes, avec les catégories défavorisées. Pour y remédier, elle préconise de développer les vaccinations dans les centres d’examen de santé de l’Assurance Maladie et en milieu scolaire et universitaire.

Une perception de la vaccination en crise
La Cour des comptes pointe également une autre difficulté très hexagonale : la vaccination contre l’hépatite B, qui cristallise encore aujourd’hui une bonne part de la défiance des Français envers les vaccins. Les chiffres publiés en novembre 2011 par l’Institut de Veille sanitaire montrait des évolutions positives puisque la part des enfants de 2 ans immunisés contre le virus de l’hépatite B était de 66% contre 30% les années précédentes.
Mais le Pr Brigitte Autran, infectiologue responsable du réseau de coordination de la recherche vaccinale, s’est montrée moins optimiste lors de son audition au Sénat, retracée dans le rapport. « La France est un des pays qui connaît la plus grande crise dans la perception de la vaccination ; c'est aussi l'un de ceux où la puissance publique est intervenue de la façon la plus forte dans le domaine de la vaccination. On peut faire un lien », a avancé l’infectiologue, en rappelant que la plupart de nos voisins européens n’ont pas d’obligation vaccinale.
Au lieu d’interventions politiques, la spécialiste a plaidé pour davantage d’information sur la vaccination, dès l’école et jusque dans les facultés de médecine, ainsi que pour le développement de recherches en sociologie permettant de mieux comprendre les mécanismes du refus de la vaccination. La Cour des comptes insiste quant à elle sur la nécessité de mettre en place une communication plus active sur les réseaux sociaux où le discours anti-vaccinal est très développé.

Si le rapport sénatorial rejoint l’analyse de la Cour des comptes sur le constat, ses recommandations économiques en revanche n’ont pas été reprises par les sénateurs. Selon la Cour, les prix et les taux de remboursement des vaccins devraient, comme ceux des médicaments, être fonction de l’amélioration du service médical rendu. Elle critique notamment le prix de la vaccination contre le papillomavirus (près de 400 euros pour les 3 doses recommandées aux jeunes filles) et la prise en charge à 100% des vaccins contre la grippe saisonnière et la rougeole, soulignant que cette « surallocation de moyens » ne produit pas les résultats escomptés en terme de couverture vaccinale. La ministre de la Santé, qui prépare une grande loi de santé publique annoncée pour 2013, sera peut-être plus sensible que les sénateurs à ces arguments médico-économiques.